L’Agence de l’environnement de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est un établissement public qui a de nombreuses missions en faveur de la transition écologique.
Parmi ces missions, l’ADEME intervient lorsque le responsable d’un site ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) est défaillant.
L’intervention de l’ADEME vise ainsi en priorité à supprimer cette menace grave vis-à-vis des enjeux sanitaires et environnementaux.
Un avis du Ministère de la Transition Écologique en date du 17 mai 2023 précise et actualise les modalités d’intervention de l’ADEME sur les sites ICPE, en cas de défaillance du responsable.
La circulaire du 26 mai 2011 « cessation d’activité d’une installation classée – chaîne de responsabilités – défaillance des responsables » est ainsi abrogée
D’abord, cet avis du 17 mai 2023 rappelle le régime juridique de la gestion de la fin d’une activité ICPE et les différentes responsabilités mises en jeu.
Ensuite, cet avis détaille les étapes de l’intervention des différents acteurs, et en particulier le rôle de l’ADEME.
En outre, l’avis du 17 mai 2023 fournit des modèles pour les arrêtés préfectoraux de travaux d’office pour la mise en sécurité du site ICPE et d’occupation temporaire des sols sur le site (annexe 1).
Enfin, cet avis revient sur la problématique de l’amiante dans les structures du bâti, qui peut conduire à la production de déchets supplémentaires et à des difficultés opérationnelles (annexe 2).
L’annexe 3 est relative au dispositif d’aide à la mise en sécurité réalisée par des acteurs publics ou privés porteurs de projets de reconversion.
➡ Quand l’ADEME peut-elle intervenir sur un site ICPE dont l’activité a cessé ? Dans quelles conditions ? Cet article fait le point sur ces questions.
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➤ Fin d’un site ICPE : obligations de mise en sécurité et de réhabilitation
La procédure de cessation d’activité d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) a pour double objectif de :
- supprimer les risques que celle-ci présente pour l’environnement et la santé publique
- et d’assurer la compatibilité de l’état du site avec un usage prédéterminé.
Cette procédure de cessation d’activité ICPE se déroule en 5 étapes :
1️⃣ Notification de la cessation d’activité AVANT la mise à l’arrêt de l’activité
2️⃣ Mise à l’arrêt définitif
3️⃣ Mise en sécurité
La mise en sécurité comporte notamment les mesures suivantes :
↳ L’évacuation des produits dangereux et la gestion des déchets présents
↳ Des interdictions ou limitations d’accès
↳ La suppression des risques d’incendie et d’explosion
↳ La surveillance des effets de l’installation sur son environnement
4️⃣ Détermination de l’usage futur
L’usage futur va déterminer les mesures à prendre en compte dans le cadre de la remise en état des terrains ayant accueilli une activité ICPE. Les mesures de remise en état à mettre en œuvre vont varier selon l’usage futur du site.
5️⃣ Remise en état
La remise en état consiste à placer le ou les terrains d’assiette d’une ICPE dans un état permettant un usage futur du site déterminé, dans le respect des intérêts mentionnés aux articles L. 511-1 et L. 211-1 du code de l’environnement.
Cette remise en état peut concerner également les terrains voisins de ceux concernés par la cessation d’activité.
A noter que c’est au dernier exploitant du site ICPE de payer ces mesures.
Dans certains cas, des responsables subsidiaires existent et peuvent être recherchés (voir l’infographie et notre article “pollution des sols, qui est responsable ?”).
A titre exceptionnel, en cas de défaillance des responsables, le préfet de département peut confier à l’ADEME la réalisation d’office de travaux de mise en sécurité voire de réhabilitation du site ICPE.
➡ Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter nos articles “ICPE : tout savoir sur cette réglementation en 10 points clefs” et “principe pollueur-payeur, comment le faire appliquer ?”.
Vous pouvez également télécharger le livre blanc du cabinet dédié à la “Cessation d’activité des ICPE : les évolutions au 1er juin 2022”.
➤ Qui finance la remise en état d’un site ICPE ?
En principe, c’est le dernier exploitant ICPE qui finance la remise en état d’un site ICPE, en application du principe pollueur-payeur.
En effet, la responsabilité administrative au titre de la réglementation des ICPE incombe à l’exploitant ICPE pendant la phase d’exploitation et pendant la phase post-exploitation.
Si une pollution est générée par l’activité relevant de la nomenclature ICPE pendant la phase d’exploitation, il est relativement aisé d’identifier la personne qui doit dépolluer, puisqu’il s’agit de l’exploitant ICPE.
Mais la situation se corse en phase post-exploitation, en particulier lorsque le dernier exploitant a disparu. Les obligations de remise en état du site pèsent sur l’ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit.
Lors de la défaillance de l’entreprise qui exploite l’ICPE, des obligations incombent aux mandataires de justice. En cas de sauvegarde et de redressement, l’administrateur judiciaire fait réaliser un bilan environnemental. Cet audit est réalisé par le débiteur ou un technicien désigné par ordonnance du juge-commissaire.
En cas de liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire est tenu de mettre en œuvre les diligences permettant la dépollution de l’installation classée.
Plusieurs mécanismes permettent de contourner les situations d’insolvabilité :
↪️ La mise en oeuvre des garanties financières constituées par l’exploitant ICPE
Afin d’anticiper la cessation d’activité en amont de son arrêt définitif, certains exploitants sont obligés de constituer des garanties financières.
Il s’agit de fonds réservés aux travaux de mise en sécurité et de remise en état.
Malheureusement, les garanties financières sont rarement utilisées. Et, lorsqu’elles le sont, elles sont souvent insuffisantes pour couvrir les travaux de réhabilitation d’un site.
↪️ La procédure de tiers intéressé (transfert de la responsabilité administrative de réhabilitation du site ICPE à un tiers demandeur)
Au moment de la remise en état d’un site industriel, un tiers peut demander au préfet de se substituer au dernier exploitant pour prendre en charge la remise en état pour son propre intérêt.
Cette procédure est prévue et encadrée à l’article L. 512-21 du code de l’environnement.
↪️ L’intervention de l’ADEME en cas de défaillance de tous les responsables
Jusqu’à présent, l’intervention de l’ADEME était prévue par la circulaire du 26 mai 2011 relative à la cessation d’activité d’une installation classée, désormais abrogée.
Les enseignements tirés de la mise en œuvre de cette circulaire pendant plus de 10 ans ainsi que les évolutions récentes de la réglementation environnementale ont rendu nécessaire une actualisation.
C’est chose faite avec l’avis du Ministère de la Transition Écologique en date du 17 mai 2023.
Cette procédure est prévue et encadrée à l’article L. 512-21 du code de l’environnement.
➤ En cas de responsable défaillant, quelles sont les conditions d’intervention de l’ADEME ?
L’avis du 17 mai 2023 indique que le préfet de département peut confier à l’ADEME la mission d’intervenir pour procéder d’office aux travaux de mise en sécurité, voire aux travaux de réhabilitation.
Trois conditions doivent être remplies :
1️⃣ Il s’agit d’un site ICPE (exploité régulièrement ou non)
2️⃣ L’ensemble des responsables de la chaîne de responsabilité sont défaillants
3️⃣ L’installation concernée présente une menace grave vis-à-vis des enjeux présents dans son environnement proche (notamment santé humaine, environnement, biens matériels)
Cela exclut la gestion de remblais, avec des déchets ou terres polluées, de même que les dépôts sauvages de déchets qui ne sont pas ICPE.
Le processus d’intervention de l’ADEME se limite à supprimer la menace que fait peser le site industriel sur l’environnement et/ou les riverains.
En effet, l’ADEME n’a pas vocation à intervenir systématiquement pour procéder aux travaux de mise en sécurité ou remise en état du site.
Lorsque les conditions mentionnées ci-dessus sont remplies, la procédure en 4 étapes détaillée ci-après s’applique.
➤ Quelles sont les 4 étapes de l’intervention de l’ADEME sur un site ICPE ?
Les sites à responsables défaillants susceptibles de faire l’objet d’une intervention de l’ADEME sont inscrits dans une liste établie par les préfets et communiquée à la Direction Générale de Prévention des Risques (DGPR) au début de chaque année.
Il s’agit d’une information préalable, qui ne garantit pas que les interventions seront accordées.
ETAPE #1 : L’ADEME établit une évaluation du niveau de menace du site
L’inspection des ICPE prend contact avec l’ADEME pour envisager un premier échange en prévision d’une visite conjointe du site.
A l’issue de la visite du site, l’ADEME met en œuvre d’éventuelles opérations préalables nécessaires à la définition du chiffrage prévisionnel d’intervention ou à la caractérisation du niveau de menace. Ces opérations préalables nécessitent alors l’accord du propriétaire du site.
Puis, l’ADEME remet à l’inspection des ICPE sa restitution des conditions techniques et financières (RCTF). Ce document décrit la situation du site en termes d’environnement, inclut des éléments historiques et définit les dangers potentiels.
L’ADEME propose ensuite dans la RCTF une évaluation du niveau de menace présenté par le site en se référant à la méthodologie nationale d’évaluation spécifique.
Enfin, l’ADEME propose un ou plusieurs scénarios d’intervention, incluant, si pertinent, un diagnostic de sols :
- Niveau de menace « fort » : intervention systématique
- Niveau de menace « intermédiaire » : intervention au cas par cas
- Désaccord entre l’ADEME et l’inspection sur l’opportunité d’intervenir : la proposition doit faire l’objet d’échanges entre les services de l’Etat au niveau local, l’ADEME et la DGPR
- Dans les autres cas : pas d’intervention
ETAPE #2 : Les autorités compétentes missionnent l’ADEME pour intervenir
Sur la base de la restitution des conditions techniques et financières (RCTF), l’inspection des ICPE rédige un rapport de saisine à destination du préfet de département. Elle précise sa position concernant la proposition d’intervention de l’ADEME.
A noter que, alors que la RCTF n’a pas vocation à être publiée compte tenu d’éléments possiblement confidentiels, le rapport de saisine est quant à lui susceptible d’être rendu accessible au public.
Le préfet de département transmet à l’autorité compétente un courrier de saisine afin d’obtenir son accord pour missionner l’ADEME :
✅ Compétence du préfet de région : le montant cumulé des interventions prévues et réalisées sur le site est inférieur à 150 000€ TTC, et hors urgence impérieuse ou demande d’aide à la mise en sécurité
✅ Compétence de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : dans les autres cas
L’ADEME doit pouvoir disposer d’un délai raisonnable pour faire ses remarques au sujet des projets d’arrêtés préfectoraux.
L’autorité compétente apporte ensuite une réponse à la saisine. En cas de refus, elle précise quels éléments font défaut et s’il lui semble possible d’y remédier.
ETAPE #3 : L’ADEME intervient sur le site
Après réception du courrier d’accord et à l’issue d’un contradictoire avec les responsables visés, le préfet de département missionne l’ADEME par arrêtés préfectoraux de travaux d’office et d’occupation des sols.
Ces arrêtés doivent être notifiés aux propriétaires de terrain afin de faciliter la venue de l’ADEME et des sociétés auxquelles elle a recours.
De plus, l’arrêté préfectoral de travaux d’office doit préciser le fait déclencheur de l’arrêt de l’intervention de l’ADEME.
L’annexe 1 de l’avis du 17 mai 2023 fournit des modèles d’arrêtés préfectoraux de travaux d’office et d’occupation des sols à destination des préfets.
Les échanges entre l’ADEME et l’inspection des ICPE sont maintenus durant l’intervention.
En outre, l’avis précise la procédure à suivre en cas de modification d’intervention. Dans certains cas, un nouvel accord de l’autorité compétente sera nécessaire.
ETAPE #4 : Les autorités constatent la fin de l’intervention
Après l’intervention, l’ADEME rédige un compte-rendu d’intervention terminée (CRIT) dans un délai maximum d’un an à compter de la fin d’intervention.
Puis, l’inspection des ICPE constate sur site et confirme par écrit que les missions prévues par l’arrêté préfectoral de travaux d’office sont remplies.
Le CRIT statue sur la nécessité d’une intervention complémentaire. Si l’inspection est du même avis, une nouvelle saisine doit être adressée à l’autorité compétente.
Aussi, le CRIT n’a pas vocation à être rendu public. L’inspection pourra reprendre certains passages non confidentiels du CRIT dans ses rapports, ceux-ci pouvant être rendus publics.
➤ Quels sont les autres mécanismes d’intervention de l’Etat ?
↪️ Les aides de l’ADEME
Un porteur de projet intéressé par l’acquisition d’un site peut se charger des opérations de mise en sécurité et bénéficier d’une subvention de l’ADEME.
Toutefois, la réhabilitation du site est souvent nécessaire : le porteur de projet devra alors se rapprocher du service urbanisme de la collectivité concernée pour identifier les prescriptions à respecter.
L’ADEME peut inciter les acteurs locaux à procéder à la reconversion de friches polluées. Elle peut ainsi proposer à la collectivité une étude de mutabilité des sites à responsables défaillants dont elle a la charge.
Cette étude pourra être rédigée à l’initiative de l’ADEME en cas d’absence de projet de reconversion identifié. Elle a pour objectif d’émettre des recommandations quant aux usages envisageables sur site et de déterminer a priori les opérations nécessaires à la réhabilitation. L’ADEME n’engage pas cette étude si une intervention sur site n’est pas opportune.
↪️ Le “fonds vert” (qui a absorbé le “fonds friches”)
En septembre 2020, dans le cadre du Plan de relance, un “Fonds friches” a été lancé pour le financement des opérations de recyclage des friches.
Ainsi l’enjeu est de limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en cohérence avec l’objectif de zéro artificialisation nette.
En janvier 2023, le Fonds Friches a été intégré dans le “Fonds vert” (Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires), dont la mise en place a été confirmée dans la loi de finances 2023.
Doté de 2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement sur 2023, le Fonds vert comporte une enveloppe dédiée aux friches d’un montant prévisionnel d’environ 300 millions d’euros.
Désormais, il n’y a plus d’appel à projet national : tout se passe au niveau régional.
Aussi les préfets de région disposent d’une autonomie importante dans le choix des projets et l’affectation des financements.
Les collectivités territoriales, les aménageurs, les bailleurs sociaux et les opérateurs privés peuvent bénéficier de financements, à condition que le projet réponde aux critères d’éligibilité (rattachement à un projet de territoire, impact fort en matière de transition écologique, maturité du projet…).
Que retenir ?
Dans son avis du 17 mai 2023, le Ministère de la Transition Écologique actualise la procédure d’intervention des acteurs étatiques sur les sites ICPE après arrêt de l’activité.
En principe, les travaux de mise en sécurité et de remise en état du site ICPE reposent sur le dernier exploitant ICPE, ou ses ayants-droit. C’est une manifestation du principe pollueur-payeur.
A titre exceptionnel, en cas de défaillance des responsables (disparition de l’entreprise, insolvabilité…) et si l’ICPE constitue une menace pour la santé et l’environnement, l’ADEME intervient.
Voici les 4 étapes de l’intervention de l’ADEME :
ÉTAPE 1️⃣ : L’ADEME évalue le niveau de menace du site et propose plusieurs scénarios d’intervention
ÉTAPE 2️⃣ : Les autorités compétentes et le préfet s’accordent pour confier à l’ADEME la réalisation des travaux
ÉTAPE 3️⃣ : L’ADEME fait réaliser d’office les travaux de mise en sécurité et de réhabilitation du site
ÉTAPE 4️⃣ : Les autorités rendent compte de la réalisation des missions et de l’opportunité d’une intervention supplémentaire
Au-delà de ses interventions directes, l’Etat joue également un rôle dans l’accompagnement et le financement des opérations de réhabilitation des friches industrielles.
En 2023, la création du Fonds vert est dédiée à accélérer la transition écologique dans les territoires. Ce fonds comporte une enveloppe dédiée aux friches, qui permettra de poursuivre l’affectation de moyens financiers à des projets portés par des acteurs publics et privés au niveau local.
Références
► Processus d’intervention de l’ADEME en contexte de site à responsable défaillant : Avis du 17 mai 2023
► Les intérêts protégées par la réglementation ICPE : article L. 511-1 du code de l’environnement
► Les intérêts protégées par la réglementation Eau : article L. 211-1 du code de l’environnement
► Les opérations de cessation d’activité d’une ICPE : article R. 512-75-1 du code de l’environnement
► La procédure du tiers demandeur pour la prise en charge des travaux de réhabilitation : article L. 512-21 du code de l’environnement
► Ministère de la Transition Écologique – Description de l’axe “Recyclage foncier” du Fonds vert
► Evaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches pour lutter contre l’artificialisation – ADEME : outils “BENEFRICHES”