Principe pollueur-payeur : comment le faire appliquer ?

4.7/5 - (54 votes)

Le principe pollueur-payeur est un principe juridique et économique. Selon lui, le pollueur doit supporter les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci. 

L’objectif : réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement en favorisant les activités non polluantes.

En 2021, la Cour des comptes européenne a publié un rapport relatif à l’application du principe pollueur-payeur au niveau de l’Union Européenne dans les domaines de la pollution industrielle, des déchets, de l’eau et des sols [1].

Or si le rapport retient que le principe pollueur-payeur est « pris en compte et appliqué à des degrés divers », il constate que « sa couverture et son application » restent encore incomplètes.

Ce constat n’est alors pas acceptable dans un contexte d’urgence climatique, où 70% des sols de l’Union Européenne ne sont pas en bon état [2].

De plus, l’application du principe pollueur-payeur est aussi une question de justice sociale.

En effet, les problématiques environnementales et sociales sont intimement liées, comme en témoigne par exemple l’exposition accrue des personnes en situation de précarité sociale à diverses pollutions [3].

Pollueur-payeur

Or, le rapport pointe également que les citoyens paient une partie du coûts des mesures de dépollution : « [le] budget de l’Union Européenne est parfois utilisé pour financer des actions de dépollution dont les coûts auraient dû, en vertu du principe pollueur-payeur, être supportés par les pollueurs ».

Alors comment faire appliquer le principe pollueur-payeur ?

Avec le bon raisonnement juridique, il est possible d’obtenir la prise en charge financière par les pollueurs des coûts engendrés par leurs pollutions. Ainsi, le cabinet Kaizen Avocat a récemment obtenu plusieurs victoires en la matière.

Voici un article pour tout comprendre sur le principe pollueur-payeur et pour vous permettre de passer à l’action !

>> Années 70 : l’instauration du principe pollueur-payeur comme principe économique

En 1972, l’Organisation de coopération et de développement économique (« OCDE ») a instauré le principe pollueur-payeur.

A l’origine, il s’agit d’un principe économique visant à imputer au pollueur les coûts « des mesures de prévention et de lutte contre la pollution […] arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable ».

L’idée est la suivante : en imputant les coûts des pollutions aux pollueurs, le prix des biens et des services augmente pour englober ces coûts.

De fait, les consommateurs préférant acheter moins cher, les producteurs sont donc incités à commercialiser des produits moins polluants.

>> Années 90 : la consécration de la portée juridique du principe pollueur-payeur

En 1992, la communauté internationale reconnaît le principe pollueur-payeur comme l’un des principes directeurs du développement durable lors de la déclaration de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, dite « déclaration de Rio ».

En France, la loi du 3 février 1995, dite « loi Barnier », intègre le principe de pollueur-payeur comme l’un des quatre principes du développement durable français.

>> Aujourd’hui, quels sont les fondements juridiques du principe pollueur-payeur ?

⫸  En 2000, ce principe est consacré à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Il y est défini comme le principe « selon lequel les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ».

Le principe pollueur-payeur se décline donc en 3 obligations pour le pollueur :

– obligation de payer les frais résultants des mesures de prévention de la pollution

– obligation de payer les frais résultants des mesures de réduction de la pollution

– obligation de payer les frais résultants des mesures de lutte contre la pollution

⫸  Un peu après en 2005, la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, consacre, en son article 4, une obligation pour toute personne de « contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi ».

⫸  Enfin en 2007, l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que « la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement […] est fondée […] sur le principe du pollueur-payeur » [4].

La Commission européenne est ainsi chargée d’élaborer des propositions législatives en matière d’environnement fondées sur le principe pollueur-payeur.

>> Quels sont les obstacles qui empêchent d’appliquer pleinement le principe pollueur-payeur ?

Le rapport de la Cour des comptes européenne de 2021 a audité 42 projets de “réparation de dommages environnementaux” ayant bénéficié de cofinancements européens à hauteur de plusieurs millions d’euros chacun :

  • une vingtaine de cas de pollutions concernent des pollutions “orphelines”, c’est-à-dire des pollutions dont les auteurs n’ont pas pu être identifiés ou n’existent plus ;
  • dans huit autres cas de pollution, les pollueurs sont connus, mais les autorités publiques locales n’ont pas fait appliquer le principe pollueur-payeur ;
  • enfin, pour les quatre cas restants audités, l’application du principe pollueur-payeur se serait heurtée à l’insolvabilité des pollueurs.

En résumé, les obstacles qui empêchent la pleine application du principe pollueur-payeur sont :
=> l’insolvabilité des pollueurs ;
=> la liquidation judiciaire des personnes responsables des pollutions ;
=> l’absence d’action des autorités publiques pour rechercher le responsable.

De surcroît, lorsque les pollueurs sont effectivement mis en cause, le paiement se limite souvent au coût de dépollution. Or, au niveau juridique, le principe pollueur-payeur inclut les frais des mesures de prévention et de réduction de la pollution, qui sont essentielles pour réduire la pollution en amont.

      >> Comment faire appliquer le principe pollueur-payeur ?

      Chaque régime spécifique du droit de l’environnement a un régime de responsabilité différent.

      Par exemple, en cas de pollutions des sols, le régime de responsabilité diffère selon que la pollution ait ou non pour origine l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).

      pollueur payeur

      Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre article Pollution des sols : qui est responsable ?

      La méthodologie du cabinet Kaizen Avocat consiste à :

         ✔️ croiser les régimes de responsabilité en droit de l’environnement, puis
         ✔️ articuler les régimes de responsabilité en droit de l’environnement et en droit des sociétés.

      Cette approche juridique innovante permet :

         ✔️ d’identifier les responsables de pollutions, puis
         ✔️ de demander l’application du droit de l’environnement, et ainsi faire appliquer le principe pollueur-payeur.

      >> Deux exemples d’application réussie du principe pollueur-payeur

      Cas n°1 : Retrouver le producteur des déchets

      Dans les années 1980, une entreprise spécialisée dans la collecte, la récupération et le recyclage des métaux ferreux et non ferreux a commencé à exploiter un site ICPE.

      Par la suite, 3 500 m3 de déchets dangereux ont été stockés sur ce site ICPE, à même le sol et hors abri des intempéries. Ce qui peut ainsi provoquer une pollution des sols aux métaux lourds et aux terres rares.

      A noter que le site ICPE n’était pas autorisé à exploiter une installation de stockage de déchets dangereux.

      En 2014 et en 2018, le préfet met en demeure l’exploitant ICPE d’éliminer les déchets dangereux dans des filières de traitement appropriées.

      Or n’ayant pas les moyens financiers de les éliminer, une procédure pénale est initiée contre l’exploitant ICPE.

      Mais grâce à une approche juridique innovante, le cabinet Kaizen Avocat constitue un dossier sur la qualité du producteur de déchets.

      En juillet 2020, un courrier est envoyé à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). L’exploitant ICPE demande alors à la DREAL de mettre en demeure la société d’éliminer les déchets, en sa qualité de productrice des déchets.

      Début décembre 2020, la DREAL met en demeure la société de produire un plan d’élimination des déchets.

      Puis fin décembre 2020, la société contacte l’exploitant ICPE pour lui annoncer qu’elle va procéder à l’élimination des déchets.

      Enfin en septembre 2021, la société élimine les déchets pour un montant estimé à 1,5 millions d’euros.

        👉  Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’intervention de Me Tschanz « Comment appliquer le principe pollueur-payeur lorsque le responsable de premier rang a disparu » lors du webinaire « Qui est responsable de la pollution des sols » qui s’est tenu le 8 mars 2022.

      Pollueur-payeur

      Cas n°2 : Retrouver l’ayant-droit du site ICPE

      En 2019, des particuliers découvrent une pollution des sols dans le jardin de leur maison, en banlieue lyonnaise.

      Ils découvrent également l’existence de dysfonctionnements graves et persistants d’un site ICPE exploité pendant des années à proximité. Et ces dysfonctionnements ont généré une pollution.

      En juillet 2019, une réclamation est déposée auprès de la DREAL.

      En août 2019, la DREAL répond que l’exploitant a disparu et que les services ne peuvent engager aucune poursuite contre cette société.

      C’est alors que le cabinet Kaizen Avocat intervient : grâce à une approche juridique innovante, mêlant les régimes de responsabilité en droit de l’environnement et en droit des sociétés, le cabinet constitue un dossier pour identifier l’ayant-droit de l’exploitant ICPE.

      En septembre 2019, un courrier est adressé à la DREAL, pour demander d’imposer la réalisation d’études environnementales à l’ayant-droit de l’exploitant ICPE.

      Puis en novembre 2019, un arrêté préfectoral reprend les éléments développés dans le courrier de septembre, et impose à l’ayant-droit ICPE la réalisation d’études environnementales.

      Enfin en octobre 2020, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) intervient pour prendre des mesures d’urgence, à savoir :

      • la réalisation de travaux visant à réduire la pollution dans l’air ambiant intérieur des logements ;
      • le relogement d’urgence des occupants dont les logements présentent des niveaux de pollution dans l’air ambiant faisant peser un risque avéré pour leur santé.


        👉  Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’intervention de Me Tschanz « Comment appliquer le principe pollueur-payeur lorsque le responsable de premier rang a disparu » lors du webinaire « Qui est responsable de la pollution des sols » qui s’est tenu le 8 mars 2022.

      >> Conclusion : OUI, il est possible et recommandé de retrouver le débiteur de l’obligation de dépollution !

      Réaliser une enquête juridique innovante sur le débiteur de l’obligation « pollueur-payeur » est judicieux pour de multiples raisons :

      ⫸ Il y a une forte probabilité que l’ayant-droit existe, car une personne morale disparaît rarement complètement

      Retrouver le débiteur de l’obligation de dépollution permet une prise en charge financière de la dépollution

      ⫸ Le principe pollueur-payeur peut être appliqué rapidement.

      La dépollution est beaucoup plus rapide qu’en cas d’intervention de l’ADEME, qui n’intervient pas sur tous les dossiers

      ⫸ L’ADEME étant un établissement public, la prise en charge par le débiteur permet une meilleure gestion des deniers publics

      ⫸ Le bilan global est positif pour la santé, l’environnement, les propriétaires, les promoteurs immobiliers, les collectivités territoriales, les entreprises et l’administration

      Si vous souhaitez faire appliquer le principe pollueur-payeur, vous pouvez contacter un avocat en droit de l’environnement.

      Que retenir ?

      D’un principe économique, le principe pollueur-payeur est devenu un principe juridique dont le champ d’application s’est progressivement élargi.

      En France, le pollueur doit supporter les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci.

      Cependant, la Cour des comptes européenne constate que la couverture et l’application du principe pollueur-payeur restent incomplètes.

      Ce principe est consacré au niveau national, de l’Union européenne et international.

      En pratique, l’application du principe pollueur-payeur se heurte à :

      • l’impossibilité d’identifier le pollueur ou à la disparition de celui-ci ;
      • l’inaction des autorités publiques en cas de pollutions ;
      • l’insolvabilité des pollueurs.

      En droit français, chaque régime spécifique du droit de l’environnement a un régime de responsabilité différent.

      Grâce à une approche juridique innovante mêlant les régimes de responsabilité en droit de l’environnement et en droit des sociétés, il est possible de :

      ✏️ identifier le responsable des pollutions, puis
      ✏️ faire appliquer le principe pollueur-payeur.

      Références

      ►  [1]  Rapport spécial « Principe du pollueur-payeur : une application incohérente dans les différentes politiques et actions environnementales de l’UE » de la Cour des comptes européenne, 2021

      ►  [2]  Mauvais état des sols au niveau de l’Union Européenne : Rapport « Caring for soil is caring for life » de la Commission Européenne, 2020

      ►  [3]  Exposition accrue à diverses pollutions des populations en situation de précarité sociale : Rapport « Unequal exposure and unequal impacts: social vulnerability to air pollution, noise and extreme temperatures in Europe » de l’Agence européenne de l’environnement, 2019

      A l’échelle de la France, voir également : « Pollution et précarité sociale : une corrélation sur certains territoires » sur vie.publique.fr, 21 septembre 2022

      ►  [4] Principaux fondements juridiques du principe pollueur-payeur :
      Article L. 110-1 du code de l’environnement
      Article 4 de la Charte de l’environnement
      Article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

      Partagez cet article