Avril 2025

Présents dans l’eau, l’air, les sols et de nombreux produits du quotidien, les PFAS, aussi appelés « polluants éternels », sont devenus une menace majeure pour la santé publique et l’environnement.
Pour encadrer ces substances persistantes et toxiques, la France a adopté une loi inédite en février 2025, « visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoralkylées (PFAS) ».
Cette loi prévoit l’interdiction progressive des PFAS dans plusieurs produits, un renforcement du contrôle de l’eau potable et la mise en place d’une taxe pour financer la dépollution.
Cette loi, entrée en vigueur le 29 février 2025, fait de la France l’un des pays les plus ambitieux en matière de régulation des PFAS.
Cet article décrypte en sept points clés les mesures phares de cette législation inédite.
1 – Pourquoi une loi pour interdire les PFAS ?
➤ C’est quoi les PFAS et pourquoi sont-ils appelés « polluants éternels » ?
Les PFAS (per- et polyfluoroalkylées) sont partout : dans l’eau, l’air, les sols et même dans notre organisme.
Ils sont utilisés depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes à la chaleur (ARS Hauts de France, Les PFAS en 3 questions clés, 7 février 2025).
Or, ils constituent une famille de composés chimiques très persistants.
De ce fait, ils ne se dégradent pas et s’accumulent dans l’environnement (eau, air, sols) et dans nos organismes. Cela leur vaut l’appellation de « polluants éternels ».
Les sources d’exposition sont diverses : textiles imperméables, poêles antiadhésives, pesticides, mousses anti-incendie, etc.
➤ Quels sont les dangers de l’exposition aux PFAS ?
Des risques majeurs pour la santé
Cette contamination a des conséquences sanitaires graves, reconnues par de nombreuses études scientifiques (Institut national de santé publique du Québec, Effets potentiels des PFAS sur la santé, 6 mars 2024 ; ARS Auvergne Rhône-Alpes, PFAS, ce qu’il faut savoir, 30 janvier 2025 ; ANSES, PFAS : des substances chimiques très persistantes, 4 avril 2024).
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’humain » et le PFOS comme « peut-être cancérogène pour l’humain ».
L’exposition aux PFAS conduit à un risque accru de développer plusieurs pathologies : cancers (rein, testicules), maladies thyroïdiennes, troubles hormonaux et immunitaires, augmentation du cholestérol…
Ces substances ont également des conséquences sur le développement du fœtus et du nourrisson. Elles pourraient également altérer la santé du placenta durant la grossesse (Inserm, “Les PFAS peuvent altérer la santé du placenta”, 13 février 2025). Il s’agit d’un scandale de santé publique : plus de 16 millions d’Européens sont touchés par une pathologie liée aux PFAS (Le Monde, « « Polluants éternels » : quels sont les effets des PFAS sur la santé ? », 23 février 2023)
Des impacts également sur la faune et la flore
L’exposition des animaux sauvages est associée à des anomalies du développement et de la reproduction chez les poissons et les amphibiens. Les oiseaux et les mammifères marins subissent également des perturbations hormonales, accompagnées d’une diminution de leur fertilité, compromettant ainsi l’équilibre des espèces et des milieux naturels (Eurofins Biomnis, “Impact des PFAS sur la santé et l’environnement”, 28 octobre 2024).
Face à cette contamination globale et persistante, aucune interdiction générale n’existait encore en France.

2 – Quelles interdictions sont prévues par cette nouvelle loi ?
Les interdictions fixées par la proposition de loi visent la fabrication, l’exportation, l’importation et la mise sur le marchés de différents produits :
À partir du 1er janvier 2026 les interdictions concerneront :
Les produits de fartage (pour le ski notamment)
Les produits cosmétiques
Les textiles d’habillement, les chaussures et les agents imperméabilisants de textiles destinés aux consommateurs
Exception : le texte prévoit que ne seront pas interdits : “les textiles d’habillement et des chaussures qui sont conçus pour la protection et la sécurité des personnes, notamment dans l’accomplissement des missions de défense nationale ou de sécurité civile.” (exemple : les habits de protection des pompiers)
À partir de 2030 l’interdiction sera généralisée à tous les produits textiles, autres que l’habillement et les chaussures
Exceptions :
Produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles
Produits textiles contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution
Textiles techniques à usage industriel
En pratique, les listes précises seront indiquées par décret.
Exclusion des produits ayant une concentration résiduelle : un décret fixera un seuil de concentration en PFAS en-dessous duquel les produits ne seront pas concernés.
3 – Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de ces interdictions ?
Mise en demeure
Conformément à l’article L. 521-17 du code de l’environnement, lorsqu’un manquement est constaté, un rapport est rédigé et transmis à l’autorité administrative compétente.
Cette dernière met en demeure de se conformer à la réglementation dans un délai donné.
- Sanctions en cas de non-respect de la mise en demeure
En cas de non-respect de la mise en demeure, plusieurs sanctions sont appliquées :
- Amende : Une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 €, ainsi qu’une astreinte journalière de 1 500 €, ce qui signifie qu’une somme supplémentaire sera exigée chaque jour où la mise en demeure n’est pas respectée.
- Interdiction d’importation, de fabrication ou de mise sur le marché
- Retrait du marché
- Retour ou élimination des produits
- Consignation de sommes
- En cas d’urgence, si des risques sanitaires ou environnementaux sont identifiés, l’autorité peut agir immédiatement sans passer par la mise en demeure préalable.
- Prescription de 3 ans
En vertu de l’article L. 521-19 du code de l’environnement, les sanctions ne peuvent concerner que des faits datant de moins de trois ans.
- Recours contre les décisions
Enfin, les décisions prises par l’autorité administrative peuvent faire l’objet d’un recours en pleine juridiction devant un tribunal administratif, en vertu de l’article L. 521-20 du code de l’environnement.
4 – Nouvelles mesures de contrôle et de recensement des PFAS
Au-delà des interdictions prévues par la loi, des mesures complémentaires sont instaurées pour mieux encadrer la présence des PFAS.
Un renforcement du contrôle sanitaire des eaux
Un nouvel article L. 1321-9-1 du code de la santé publique prévoit que les agences régionales de santé (ARS) pourront contrôler la présence de PFAS dans les eaux potables.
Les ARS seront également tenues de publier, chaque année, les résultats des inspections menées. Cette exigence concerne aussi les eaux en bouteille.
Une cartographie des sites pollués et des actions de dépollution.
Une carte recensant les sites ayant pu émettre ou rejeter des PFAS sera publiée et mise à jour chaque année. Cet outil permettra une meilleure transparence et un suivi précis de la contamination.
Par ailleurs, des seuils maximaux d’émission seront définis par arrêté pour les sites émetteurs. Un arrêté fixera également des actions de dépollution ciblées pour limiter la dispersion dans l’environnement.
- La fixation d’un cadre national pour réduire les rejets dans l’eau
En vertu du nouvel article L. 523-6-1 du code de l’environnement, au-delà du contrôle des eaux, la France devra se doter d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets de PFAS dans l’eau.
L’objectif est d’atteindre la fin de ces rejets d’ici cinq ans, soit en 2030.
- Des financements pour la dépollution de l’eau
La dépollution des eaux contaminées par les PFAS représente un défi financier majeur.
Selon une enquête publiée par Le Monde le 14 janvier 2025, le coût estimé de cette dépollution en Europe s’élève à 100 milliards d’euros par an, soit 2 000 milliards d’euros sur 20 ans (Enquête du Forever Pollution Project, Le Monde, « PFAS : le coût vertigineux de la dépollution de l’Europe », 14 janvier 2025).
Face à cette réalité, un grand plan d’action interministériel devra être mis en place en 2026.
Son objectif sera d’organiser et d’anticiper le financement de la dépollution, en particulier pour les eaux destinées à la consommation humaine.
En termes de contenu, le plan d’action devra définir les ressources disponibles pour les collectivités. Il précisera le rôle et les missions de l’Etat ainsi que des agences de l’eau. Il établira également un calendrier prévisionnel pour la dépollution.
5 – Nouvelle redevance environnementale pour les industries rejetant des PFAS dans l’eau
La loi fixe une redevance environnementale applicable aux industriels rejetant des PFAS dans l’eau.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre du principe pollueur-payeur, qui vise à faire supporter aux responsables de la pollution le coût des atteintes qu’ils infligent à l’environnement.
Qui est concerné par cette redevance ?
Les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) soumises au régime d’autorisation environnementale devront s’acquitter de cette redevance.
A partir de quel seuil ?
La redevance sera due dès lors que les rejets de PFAS sont supérieurs à 100g par an dans l’eau ou dans un réseau de collecte.
Quelles substances sont concernées ?
La liste des substances sur lesquelles est assise la redevance doit être définie par décret.
Le montant de cette redevance a été fixé à 100 euros pour 100 grammes de PFAS rejetés.
Elle sera collectée par les agences de l’eau.
6 – Concrètement, quelle portée pour cette loi sur les PFAS ?
✅ Une avancée significative
Cette loi marque la toute première législation française contre les PFAS. Elle est considérée comme la loi la plus ambitieuse du monde. Cette initiative place donc la France en position de précurseuse dans la régulation de ces polluants.
❌ Pas d’interdiction générale des PFAS
Le Sénat a supprimé la mesure d’interdiction générale des PFAS, prévue dans le texte initial. Cela limite l’efficacité à long terme de la législation.
❌ Des interdictions allégées face aux industriels
Les mesures d’interdiction se heurtent à une opposition de la part des industriels. Les échéances d’application ont été retardées. De plus, plusieurs produits jugés essentiels ou difficiles à remplacer ont été exclus de l’interdiction. Ces aménagements ont permis d’obtenir un compromis, mais réduisent l’ampleur de l’impact immédiat de la loi.
✅ Un dispositif de contrôle de l’eau pour protéger la santé publique
Le dispositif mis en place pour le contrôle des PFAS dans l’eau est absolument nécessaire. Il permettra une surveillance accrue de l’eau potable. Il s’agit d’une priorité sanitaire face aux risques de contamination par les PFAS. En effet, presque tous les Français sont exposés à ces substances toxiques par l’eau potable, souvent à des niveaux bien supérieurs aux seuils de qualité recommandés (Le Monde, « PFAS : l’eau potable en France est massivement contaminée par les « polluants éternels », notamment à Paris », 23 janvier 2025).
7 – L’Union européenne va-t-elle également interdire les PFAS ?
En 2023, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont soutenu une interdiction générale des PFAS dans tous les produits de consommation.
Cette interdiction est étudiée dans le cadre de la révision du règlement européen n° 1907/2006 dit REACH (Registration, evaluation, authorization of chemicals) (Reuters, « EU plans ban on ‘forever chemicals’ in consumer products”, 20 janvier 2025).
Elle est actuellement à l’étude par l’agence européenne des produits chimiques (ECHA). L’ECHA a envisagé deux options de restrictions de plus de 10 000 PFAS (European Chemicals Agency, « Annex XV Restriction Report : Proposal for a Restriction. Per-and polyfluoroalkyl substances (PFASs) », 22 mars 2023).
La première propose une interdiction totale sans dérogations, avec une période de transition de 18 mois. La seconde option d’interdiction serait plus progressive avec des dérogations notamment pour les produits pharmaceutiques.
La proposition législative de la Commission européenne devrait être présentée au plus tôt en 2026.
Au-delà de cette nouvelle législation, d’autres leviers permettent d’agir contre la pollution aux PFAS.
Le cabinet Kaizen Avocats, en collaboration avec Notre Affaire à Tous et PFAS contre Terre lance une action juridique contre les pollueurs de la Vallée de la Chimie afin de faire reconnaître leur responsabilité et d’obtenir réparation pour les dommages causés.
Que retenir ?
Les PFAS sont des polluants chimiques persistants et dangereux pour la santé et l’environnement.
La loi française adoptée le 20 février 2025 est inédite au niveau international.
Elle vise à interdire leur présence dans de nombreux produits du quotidien à partir de 2026. Toutefois, tous les produits du quotidien ne sont pas concernés.
En effet, les ustensiles de cuisine contenant des PFAS (poêles anti-adhésives…) seront toujours autorisés.
Des contrôles renforcés de l’eau et une redevance pollueur-payeur accompagnent ces interdictions.
Toutefois, la mise en œuvre complète de la loi dépendra des décrets d’application à venir.
L’Union européenne pourrait adopter une interdiction généralisée dans le cadre du règlement REACH.
Références
► Loi PFAS publiée au Journal Officiel du 28 février 2025 : loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
► Les agents habilités à recherche et constater les atteintes environnementales : article L. 521-12 et L. 172-1 du code de l’environnement
► Fondements du pouvoir de sanctions de l’autorité administrative : articles L. 521-17 à L. 521-10 du code de l’environnement
► Définition des PFAS : Les PFAS en 3 questions clés; PFAS, ce qu’il faut savoir; PFAS : des substances chimiques très persistantes
► Études réalisées par Le Monde sur le scandale de la pollution : « Révélations sur la contamination massive de l’Europe par les PFAS », , « « Polluants éternels » : quels sont les effets des PFAS sur la santé ? », « PFAS : l’eau potable en France est massivement contaminée ».
► La perspective d’interdiction des PFAS dans l’Union européenne : « EU plans ban on ‘forever chemicals’ in consumer products”
► Le rapport de l’ECHA sur la proposition d’interdiction : « Annex XV Restriction Report : Proposal for a Restriction. Per-and polyfluoroalkyl substances (PFASs) »
► Lobbying de l’industrie européenne contre l’interdiction des PFAS : Euractiv, « Intense lobbying over EU plans to limit ‘forever chemicals' », 14 janvier 2025