Et si les citoyens prenaient en main la défense de l’environnement face aux atteintes graves qui le menacent ?
Pollutions industrielles, destruction d’écosystèmes, contamination des sols ou de l’eau : les atteintes à l’environnement sont souvent systémiques et durables.
De nombreuses personnes se sentent impuissantes et démunies face à ces attaques du vivant.
Heureusement, le droit français offre un outil inédit pour restaurer les écosystèmes : l’action de groupe environnementale.
Cet outil juridique permet à plusieurs personnes, regroupées autour d’une même cause, d’agir collectivement contre les responsables d’un dommage environnemental.
Il permet aux citoyens d’agir ensemble afin d’être plus forts pour protéger l’environnement grâce au droit.

➤ Depuis quand l’action de groupe existe -t-elle en matière environnementale?
1️⃣ 2014 : À l’origine, l’action de groupe n’existait qu’en droit de la consommation. Inspirée de la class action américaine, elle a été introduite en droit français par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « Loi Hamon ».
2️⃣ 2016 : L’action de groupe a été rapidement élargie à d’autres matières, dont la matière environnementale, par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Cette loi a créé l’article L. 142-3-1 du code de l’environnement, mais également un socle procédural commun à l’ensemble des actions de groupe à l’exception de celle en matière de consommation.
3️⃣ 2025 : l’action de groupe environnementale est remplacée par un régime unifié d’action de groupe.
➡️ Désormais, c’est l’article 16 de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025 d’adaptation au droit de l’Union qui pose le cadre juridique de l’action de groupe en France, quelle que soit la matière.
➤ Quel est le but d’une action de groupe environnementale ?
L’action de groupe est exercée afin d’obtenir :
- soit la cessation du manquement,
- soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement,
- soit la cessation du manquement ET la réparation des préjudices.
En matière environnementale, cela va concerner des manquements qui ont causé des pollutions industrielles, des destructions d’écosystèmes ou encore des contaminations des sols ou de l’eau.
➤ Concrètement, comment fonctionne l’action de groupe environnementale ?
L’action de groupe est une action en justice :
- Exercée par une personne morale (association, syndicat,…)
- Pour le compte d’un groupe de personnes placées dans une situation similaire
- À cause d’un manquement commis par un même auteur à ses obligations légales ou contractuelles
Il peut s’agir du même manquement ou d’un manquement de même nature.
L’objectif de cette action est de laisser une association se charger de prouver devant les tribunaux que l’auteur a manqué à ses obligations, pour que les victimes n’aient plus à le faire par la suite.
Celles-ci pourront ensuite demander réparation de manière facilitée, sans avoir besoin de prouver à nouveau que l’auteur a agi illégalement.
L’action de groupe environnementale unifiée comprend désormais trois phases principales :
PHASE 1 => L’introduction de l’action de groupe par une association ou un syndicat.
PHASE 2 => La décision du juge sur l’existence d’un manquement de la part de l’entreprise ou l’administration mise en cause
PHASE 3 => Le cas échéant, l’adhésion des victimes au groupe et la liquidation de leurs préjudices
Ainsi, le juge reconnaît le manquement du défendeur à ses obligations avant que le groupe de victimes ne soit constitué.
Une fois que le juge a constaté le manquement, le responsable doit informer les victimes potentielles qu’elles peuvent demander réparation.
➤ Qui peut intenter une action de groupe en matière environnementale ?

L’action de groupe est nécessairement portée par une personne morale qui le fera pour l’ensemble du groupe.
Il peut s’agir d’une association (par exemple, une association de protection des consommateurs ou une association de protection de l’environnement agréée ou non,…) ou d’un syndicat.
⚠️ Certaines de ces organisations ont des pouvoirs limités en matière d’action de groupe. Elles ne peuvent demander réparation que de certains préjudices ou seulement la cessation du manquement.
Voici la liste des entités pouvant intenter une action de groupe environnementale :
Les entités pouvant agir en toute hypothèse | 🏅Les associations agréées : seules les associations régulièrement déclarées, à but non lucratif, et ayant reçu un agrément pour agir dans le cadre d’actions de groupe sont compétentes en toute hypothèse pour mener une telle action. |
Les entités ne pouvant agir qu’en cessation du manquement | 👥 Les associations non agréées : si elles :
|
Les entités ne pouvant agir que dans certains domaines | 📢 Les organisations syndicales représentatives du secteur privé, du secteur public, ou des magistrats de l’ordre judiciaire. Elles ne peuvent agir qu’en matière de lutte contre les discriminations, en matière de protection des données personnelles ou lorsque leur action se fonde sur le manquement d’un employeur causant des dommages à plusieurs personnes placées sous son autorité. 🚜🐟 Les organisations syndicales à vocation générale d’exploitants agricoles et les organisations de pêcheurs et des professions de la mer représentatives : elles ne peuvent agir que lorsque le dommage est à l’origine de préjudices subis par plusieurs de leurs adhérents, et si elles répondent aux condition d’octroi de l’agrément. |
Actions transfrontières : les entités inscrites sur une liste publiée au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE) peuvent intenter une action de groupe transfrontière si elles se fondent sur un manquement à certaines dispositions du droit de l’Union européenne limitativement énumérées.
➤ Contre qui peut-on intenter un recours collectif en matière de protection de l’environnement ?
En principe, une action de groupe environnementale peut être intentée contre toute personne agissant à titre professionnel.
Plus précisément, une association ou un syndicat peut mobiliser cet outil juridique à l’encontre :
- D’une personne physique ou morale de droit privé, du moment qu’elle agit dans l’exercice ou à l’occasion d’une activité professionnelle
- D’une personne morale de droit public (État, commune, établissement public de collecte des déchets ou de distribution d’eau,…)
- D’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public
➤ Quels sont les pouvoirs du juge dans le cadre d’une action de groupe environnementale ?
➡ Si l’action tend uniquement à la cessation du manquement, le juge va constater ce manquement et en ordonner la cessation.
Pour ce faire, il n’y a pas besoin de prouver que le manquement de l’auteur est intentionnel, qu’il résulte d’une négligence de sa part, ou même qu’il a causé un quelconque préjudice.
Si l’urgence le nécessite, le juge de la mise en état (c’est-à-dire le premier juge qui aura le dossier entre les mains) peut ordonner des mesures provisoires pour éviter que la situation n’empire.
➡ Si l’action tend aussi à la réparation des préjudices subis par les victimes, l’association ou le syndicat qui porte l’action doit présenter des cas individuels qui serviront d’exemple au juge. L’objectif est qu’il puisse déterminer si le manquement a bien causé préjudice aux victimes.
Le juge se prononcera alors sur la responsabilité de l’auteur, puis fixera dans sa décision :
🏷️ Les critères de rattachement au groupe de personnes victimes et les préjudices pouvant faire l’objet d’une réparation. Il pourra également subdiviser ce groupe en plusieurs catégories de personnes afin d’ajuster les préjudices et réparations aux différences de situation.
💶 Le montant des préjudices ou tous les éléments permettant l’évaluation des préjudices susceptibles d’être réparés, si c’est possible. Le juge peut également prévoir une réparation en nature.
👥 La mise en œuvre ou non d’une procédure de liquidation collective des préjudices (attention, cela est impossible en cas de dommages corporels).
➤ Comment puis-je obtenir réparation en tant que citoyen⋅ne victime d’une atteinte à l’environnement ?
➡ D’abord, il faut adhérer au groupe de victimes :
📨 Pour ce faire, il suffit d’adresser une demande d’indemnisation par courrier à l’association qui porte l’action. Dans ce cas, c’est elle qui s’occupera de négocier le montant de votre indemnisation à votre place et de faire les recours si l’auteur du manquement ne paye pas.
🏭 Si le juge le précise, ou si la négociation entre l’association et l’auteur du manquement n’aboutit pas au bout d’un an, vous pouvez adresser votre demande directement à l’auteur du manquement.
➡ Ensuite, le juge homologue l’accord entre l’association et l’auteur du manquement :
Une fois un accord trouvé, celui-ci devra être homologué par le juge. Le juge ne peut homologuer l’accord que s’il l’estime suffisamment protecteur pour les victimes et les parties à la procédure.
🧑⚖️ Si l’association et l’auteur du manquement n’arrivent pas à trouver d’accord, c’est directement le juge qui décidera du montant de la réparation. Par ailleurs, si malgré vos demandes, vous n’avez pas obtenu réparation de vos préjudices par le biais de la procédure normale, vous pouvez demander au juge de se prononcer sur la question.
➤ Que risque l’auteur du manquement à la réglementation environnementale ?
🪙 D’abord, l’auteur du manquement devra réparer votre préjudice ainsi que celui de toutes les autres victimes qui en font la demande.
👮 Ensuite, le juge peut décider de le condamner au paiement d’une amende civile qui peut aller jusqu’au double (personne physique) voire au quintuple (personne morale) du profit qu’il a tiré de son comportement illégal.
🛑 Enfin, s’il fait obstacle de manière dilatoire ou abusive à la conclusion d’un accord avec l’association ou le syndicat, il s’expose à une amende de 50 000€.
➤ Est-ce que l’action de groupe en matière environnementale a déjà été utilisée ?
Oui, l’action de groupe environnementale a déjà été utilisée au moins dans deux affaires.
Devant les juridictions administratives, une association de riverains a déclenché une action de groupe à l’encontre de la Communauté d’Agglomération Béziers Méditerranée en raison de nuisances liées à une installation de stockage de déchets. L’affaire est en cours devant le tribunal administratif de Marseille.
L’action de groupe a aussi déjà enregistré des victoires !
Par exemple, à la Réunion, l’association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir a obtenu qu’une compagnie de traitement des eaux indemnise les 90 000 habitant⋅es auxquel⋅les elle avait distribué une eau non-potable pendant plusieurs années.
Le Tribunal judiciaire de Saint-Denis a condamné le 27 mai 2025 la société Cise Réunion (filiale du groupe SAUR) à indemniser des milliers de clients pour avoir distribué de l’eau impropre à la consommation.

Que retenir ?
L’action de groupe en matière environnementale est un levier d’action pertinent pour préserver l’environnement.
L’action de groupe doit être lancée par une association ou un syndicat répondant à des critères spécifiques.
Le demandeur peut solliciter la cessation du manquement, mais aussi la réparation du préjudice subi du fait de ce manquement pour toutes les victimes.
Une fois que le juge a constaté le manquement, le responsable est dans l’obligation d’informer les victimes potentielles afin que celles-ci puissent demander réparation.
Dans ce cas, les victimes n’ont plus à démontrer de manquement. Si elles répondent aux critères fixés par le juge, elles ont droit à réparation.
C’est l’association ou le syndicat qui se chargera de négocier le montant de la réparation avec l’auteur du manquement. Dans tous les cas, il est toujours possible de finalement saisir le juge en cas de problème.
Si l’action de groupe environnementale a été très peu utilisée jusqu’ici, il semble qu’elle puisse constituer un outil puissant au service de la justice environnementale !
Références
► Régime actuel de l’action de groupe (en vigueur depuis le 3 mai 2025) : art. 16 de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
►Dispositions permettant l’introduction d’une action de groupe transfrontière conformément au droit de l’Union européenne : Dispositions listées à l’annexe I de la directive 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020
► Ancien régime de l’action de groupe (en vigueur jusqu’au 2 mai 2025, applicable à toutes les actions introduites avant cette date) :
- Loi Hamon, créant l’action de groupe en matière de droit de la consommation : Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
- Action de groupe environnementale : art. L. 142-3-1 du code de l’environnement
- Régime devant les juridictions judiciaires : Titre V de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
- Régime devant les juridictions administratives : Chapitre X du Titre VII du Livre VII du code de justice administrative
►Action de groupe environnementale devant le Tribunal administratif de Marseille : L’affaire n’a pas encore été jugée, elle le sera sous le n°2410073. Vous pouvez retrouver la liste des actions de groupe intentées devant les juridictions administrative sur ce lien : https://conseil-etat.fr/content/download/227700/file/AG%2020250418.pdf
►Action de groupe jugée par le Tribunal judiciaire de Saint-Denis à la Réunion le 27 mai 2025 : Pour plus d’informations, vous pouvez consulter l’article du Monde et le communiqué de l’UFC-Que Choisir ?


