De nombreuses installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont exploitées sur des sites qui sont loués dans le cadre d’un bail commercial.
Les activités relevant de la nomenclature ICPE peuvent générer des pollutions, quel que soit leur régime administratif (autorisation, enregistrement ou déclaration).
A la fin du bail, le locataire est soumis à 2 types d’obligations :
- droit contractuel > respect des clauses du bail commercial concernant la fin du bail
- droit des ICPE > respect de la procédure de cessation définitive d’une activité ICPE
La procédure de cessation d’activité imposée par le droit des ICPE est une obligation « plancher », relevant du droit administratif. C’est une obligation d’ordre public à la charge de l’exploitant ICPE. Le locataire exploitant doit remettre le site en l’état conformément à l’usage futur, indépendamment des clauses du bail.
Le bail commercial peut prévoir des conditions de restitution plus ou moins strictes que le droit des ICPE. Et ce, en vertu du principe de liberté contractuelle. Le bailleur et le locataire peuvent librement négocier une grande partie du bail commercial.
La question de la prise en charge des coûts de dépollution se pose souvent lorsque l’activité ICPE cesse et que le locataire s’apprête à quitter les lieux.
Ces enjeux financiers considérables conduisent souvent à des litiges entre le bailleur et le locataire.
Compte tenu des importants enjeux financiers, il est capital d’anticiper les difficultés et de sécuriser la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire.
Pour prévenir au maximum les litiges, les deux parties doivent être particulièrement vigilantes à la sécurisation de leur relation contractuelle.
Cet article vise à présenter les principales bases en matière de bail commercial conclu sur des sites ICPE. Il présente 7 astuces permettant d’anticiper et de gérer au mieux les difficultés engendrées par la découverte d’une pollution.
➤ BASE #1 : Bail commercial et activité ICPE : le bailleur doit délivrer un site conforme à la réglementation ICPE
Les obligations du bailleur et du locataire d’un bail commercial sont notamment issues :
- du statut des baux commerciaux ;
- des clauses particulières du bail ;
- de la réglementation relative aux ICPE.
Le bail commercial est un contrat par lequel un propriétaire, le bailleur, met à la disposition du locataire un local afin de lui permettre d’exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale.
Pour une activité ICPE, le bail commercial est régi par les dispositions de plusieurs codes, dont le code civil, le code de commerce et le code de l’environnement.
En vertu de l’article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de louer au locataire des locaux conformes à l’usage auquel ils sont destinés.
Si le site doit accueillir un site ICPE, le bailleur doit s’assurer qu’il est en conformité avec la réglementation ICPE.
Certaines clauses du bail sont imposées par la réglementation, alors que d’autres sont librement négociées entre le bailleur et le locataire.
➤ BASE #2 : Bail commercial et activité ICPE : le locataire doit respecter la procédure de cessation d’activité ICPE
Lorsqu’il cesse son activité ICPE, le locataire-exploitant doit respecter plusieurs étapes qui sont précisées par le code de l’environnement.
En résumé, l’exploitant doit respecter les 4 obligations suivantes :
- notifier sa cessation d’activité auprès de la préfecture avant l’arrêt de son activité ;
- mettre le site en sécurité ;
- déterminer l’usage futur ;
- remettre le site en état, pour permettre l’utilisation du site conformément à l’usage futur qui a été déterminé.
➡ Pour connaître en détail les modalités de la cessation d’activité d’une ICPE, vous pouvez consulter notre article et télécharger notre livre blanc, à jour des dernières évolutions règlementaires !
Toutes ces étapes et démarches doivent obligatoirement être réalisées par l’exploitant de l’ICPE, donc par le locataire du bail commercial.
Mais certaines situations sont sources de litiges entre le bailleur et le locataire, notamment lorsque le site était pollué avant même le début du bail commercial.
Pour anticiper les difficultés et sécuriser les relations commerciales, voici 7 astuces pour sécuriser la relation bailleur-locataire.
➤ ASTUCE #1 : avant la signature du bail, réaliser un diagnostic environnemental
Pour les locaux industriels, il peut être particulièrement utile de réaliser un diagnostic environnemental avant la signature du bail.
Si le diagnostic révèle une pollution, le bailleur et le locataire peuvent s’accorder dans le bail sur la prise en charge de la pollution existante lors de l’entrée dans les lieux.
L’idéal est de réaliser le même diagnostic lors de la fin du bail, qui permettra d’avoir un comparatif avec l’état des lieux d’entrée.
➤ ASTUCE #2 : lors de la signature du bail, préciser le statut administratif du site ICPE
Le statut de l’ICPE (déclaration, autorisation ou enregistrement) devant être exploitée dans les locaux doit être précisé.
Cela permet d’anticiper les obligations administratives auxquelles l’exploitant locataire sera soumis, pendant l’activité et lors de sa cessation.
En effet, les obligations administratives dépendent du statut administratif de l’activité ICPE.
De surcroît, depuis le 1er juin 2022, la cessation d’activité d’une ICPE est conditionnée par l’établissement de diverses attestations réalisées par des bureaux d’études certifiés en sites et sols pollués.
NOTA BENE : en cas de changement d’activité, une clause spécifique doit être prévue.
➤ ASTUCE #3 : lors de la signature du bail, rédiger une clause de restitution des locaux adaptée aux enjeux de pollution
La clause portant sur la restitution des locaux doit être rédigée avec soin, en prenant en compte les enjeux de pollution de l’activité en cause et les intérêts des deux parties.
Point de vigilance : si la clause prévoit que le locataire doit rendre le site net de toute pollution, il devra alors procéder à ces travaux de dépollution extrêmement onéreux. Et ce, même s’il n’est pas à l’origine de toute la pollution.
➤ ASTUCE #4 : lors de la signature du bail, préciser le calendrier de restitution des locaux en fonction du droit des ICPE
Le bailleur et le locataire doivent prendre en compte deux calendriers distincts :
- calendrier contractuel de fin du bail commercial
- calendrier administratif de cessation d’activité ICPE
Un manque d’anticipation de l’articulation des deux calendriers peut générer des tensions.
Le non-respect par le locataire-exploitant de ses obligations de cessation d’activité ICPE peut conduire un bailleur à réclamer réparation de ses préjudices (perte de valeur du bien, préjudice de jouissance, indemnité d’occupation, etc.).
Aussi, il est recommandé de prévoir contractuellement que la restitution des locaux interviendra conformément au calendrier de cessation d’activité de la réglementation ICPE.
➤ ASTUCE #5 : lors de la signature du bail, préciser l’historique des activités exploitées sur le bien loué
Est-ce qu’une activité industrielle a déjà été exercée sur les lieux ? Si oui, par qui ? Et combien de temps ? Quelle était la nature de ces activités ?
Ces informations sont cruciales pour bien comprendre l’historique des activités exploitées sur le bien loué.
Pour des questions de responsabilité, il est nécessaire de préciser quelle activité a préalablement été exploitée sur les lieux.
Il peut être également utile de préciser si le bailleur a lui-même exercé une activité ICPE ou compte l’exercer après le départ du locataire.
Bail commercial & décret tertiaire et annexe environnementale :
↪ pour des bâtiments de plus de 1000 m2, le décret tertiaire s’applique et vous devez mettre en place des actions efficaces afin de réduire la consommation d’énergie (consulter notre article).
↪ pour les baux commerciaux portant sur des locaux de plus de 2000 m2 à usage de bureaux ou de commerce, il est nécessaire de joindre une annexe environnementale (consultez notre article ici).
Ces obligations doivent être intégrées dans le bail commercial.
➤ ASTUCE #6 : établir avec précision les états des lieux d’entrée et de sortie
Il est nécessaire d’établir les états de lieux de manière claire et précise.
Les états des lieux d’entrée et de sortie sont obligatoires pour tous les baux conclus ou renouvelés à compter du 20 juin 2014.
La précision des constatations dans l’état des lieux est importante puisqu’elle permet de connaître l’imputabilité d’une éventuelle pollution.
Comme mentionné ci-dessus, il est très utile de réaliser un diagnostic environnemental du bien loué lors de l’état des lieux d’entrée et de sortie.
Si rien n’est précisé, c’est le locataire qui est présumé être responsable de la pollution ou des dommages qui affecteraient le site et qui seraient révélés à l’occasion de l’état des lieux de sortie.
➤ ASTUCE #7 : lors de la restitution des locaux, anticiper les démarches de la cessation d’activité ICPE
Le locataire doit anticiper les démarches de cessation d’activité imposées par la réglementation ICPE, de manière à ce que toutes ses obligations soient remplies le jour de son départ.
Le bailleur peut exiger la transmission de toutes les attestations (ATTES SECUR, ATTES MÉMOIRE, ATTES TRAVAUX).
Sur ce sujet, vous pouvez consulter notre article dédié aux « ATTES ».
➤ Locataires – exploitant ICPE, soyez vigilants et anticipez la fin du bail sous peine de conséquences financières importantes !
Anticiper dès le départ les clauses qui vont fixer les obligations des parties lors de la fin du bail est la clé du succès !
Les conséquences d’une fin de bail qui n’a pas suffisamment été anticipée au contrat peuvent être lourdes, surtout pour le locataire, pour 2 raisons :
✅ une clause contractuelle floue ou imprécise s’interprète généralement en faveur du bailleur ;
✅ les coûts de dépollution peuvent être extrêmement élevés.
De plus, le locataire-dernier exploitant ICPE est seul tenu de réaliser les démarches de cessation d’activité et de remise en état imposées par la réglementation ICPE.
C’est le cas :
- même si le bailleur compte reprendre une activité industrielle comparable. Si ces démarches ne sont pas finalisées le jour du départ du locataire, il est même tenu de verser une indemnité d’occupation au bailleur (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 11 mai 2022, n°21-16348) ;
- même si le non renouvellement du contrat de bail est dû au bailleur et non au départ volontaire du locataire (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 22 juin 2022, n°20-20844 – 21-11168).
L’absence d’anticipation de la fin du bail peut donc être à l’origine d’un retard dans la restitution des locaux par rapport à la date de congé convenue entre les parties.
Si les démarches de cessation d’activité prennent du retard et que le locataire ne peut quitter les lieux à la date convenue, il peut être redevable du versement d’une indemnité d’occupation.
Le bailleur peut également exiger la réparation d’autres préjudices (préjudice de jouissance, perte de valeur vénale, etc.).
Si vous avez besoin de conseils avant la signature d’un bail commercial ou lors de la fin de celui-ci, contactez-nous !
Que retenir ?
De nombreuses installations classées pour la protection de l’environnement sont exploitées via un bail commercial.
Or, l’exploitation d’une ICPE dans le cadre d’un bail commercial peut être source de litiges entre le bailleur et le locataire, surtout lors de la fin de bail.
Ces litiges concernent notamment la répartition des coûts et/ou l’étendue des obligations du locataire envers le bailleur.
Voici 7 astuces qui vous permettront de prévenir les litiges et de sécuriser la relation entre bailleur et locataire :
Astuce #1 : Avant la signature du bail, réaliser un diagnostic environnemental et s’accorder sur la prise en charge des coûts de dépollution.
Astuce #2 : Lors de la rédaction du bail : préciser le statut administratif de l’ICPE devant être exploitée dans les locaux (A, E ou D).
Astuce #3 : Lors de la rédaction du bail : s’accorder sur la clause de restitution des locaux, afin que celle-ci convienne aux deux parties.
Astuce #4 : Lors de la rédaction du bail : préciser le calendrier de restitution des locaux, en fonction de la réglementation ICPE.
Astuce #5 : Lors de la rédaction du bail : préciser si des activités industrielles ont déjà été exploitées sur le bien loué .
Astuce #6 : Dans tous les cas, établir avec précision les états des lieux d’entrée et de sortie.
Astuce #7 : Lors de la fin du bail : anticiper les démarches de la cessation d’activité ICPE.
Références
► Dispositions du code civil relatives au bail : articles 1714 et suivants du code civil
► Dispositions du code de commerce relatives aux baux commerciaux : articles L. 145-1 et suivants du code de commerce
► Arrêt de la Cour de cassation n°21-16.348 du 11 mai 2022 sur l’indemnité d’occupation due par le locataire en cas de non-respect des obligations de remise en état après la fin du bail
► Arrêt de la Cour de cassation n°20-20.844 et n°21-11.168 du 22 juin 2022 sur l’imputabilité au locataire de tous les coûts de cessation d’activité ICPE en cas de non renouvellement du bail commercial