Les problématiques de pollution des sols sont globales : au niveau européen, 70 % des sols sont dégradés !
Or, l’état des sols est un enjeu particulièrement décisif dans la lutte contre le changement climatique et le déclin de la biodiversité.
La pollution des sols expose la santé humaine et l’environnement à des risques potentiellement graves et irréversibles.
Alors même que des sols sains :
- sont à la base de 95 % des aliments que nous consommons,
- abritent plus de 25 % de la biodiversité dans le monde,
- représentent le plus grand réservoir à carbone terrestre de la planète.
Il est donc urgent de protéger les sols de toute pollution.
En novembre 2021, la Commission européenne a présenté une stratégie en faveur des sols, avec une législation spéciale en 2023 à la clé. L’objectif ? Que les sols européens soient restaurés, résilients et protégés.
Ainsi, en attendant l’évolution tant attendue du cadre juridique pour préserver les sols, beaucoup de personnes se posent la question suivante :
➡ Que faire si je découvre une pollution ?
Et bien il faut agir rapidement ! Cet article vous présente les 4 réflexes essentiels pour agir si vous découvrez une pollution.
Auparavant, voici une explication de la définition juridique de la pollution et des sources de pollution des sols.
➤ Quelle est la définition juridique de la “pollution” ?
Voici la définition juridique du terme “pollution” :
↪️ l’introduction directe ou indirecte, par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol
↪️ susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement,
↪️ d’entraîner des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier.
C’est la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles qui apporte cette définition.
L’arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface précise :
↪️ « Polluant » : toute substance pouvant entraîner une pollution.
↪️ « Pollution » : l’introduction directe ou indirecte, par suite de l’activité humaine, de substances ou de chaleur dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité des écosystèmes aquatiques ou des écosystèmes terrestres dépendant directement des écosystèmes aquatiques, qui entraînent des détériorations aux biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier.
➤ D’où provient la pollution des sols en France ?
Les origines de la pollution des sols sont multiples. On trouve notamment :
- Décharges sauvages
Un dépôt illégal de déchets dans un lieu non autorisé peut contaminer les sols. Or à défaut d’infrastructures adaptées pour stocker les déchets, la pollution s’infiltre dans le milieu environnant.
- Exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE)
L’exploitation d’une ICPE, ancienne ou actuelle, est susceptible d’entraîner des rejets polluants dans le milieu naturel. Le territoire français est ainsi marqué par son passé industriel.
Selon un rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les problèmes sanitaires et écologiques liés à la pollution des sols, il existe plus de 320 000 anciens sites d’activités industrielles ou de services.
- Pollution accidentelle
Un accident peut générer d’importantes conséquences environnementales. La pollution accidentelle étant un événement imprévisible, sa gestion nécessite une action immédiate.
- Migration de pollutions
La pollution d’un terrain peut trouver son origine du fait de sa proximité avec une source de pollution. A cause de la migration des pollutions dans le sol, l’eau et l’air, le périmètre impacté peut être considérable !
➤ Réflexe #1 : chercher les informations environnementales
S’informer en amont sur l’historique d’un site et sur ces activités est un réflexe essentiel pour identifier l’existence d’une pollution.
✅ Premièrement, rechercher les informations environnementales sur les bases de données publiques accessibles sur Géorisques :
- Base des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE)
- Informations de l’administration concernant une pollution suspectée ou avérée (anciennement BASOL : base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués)
- Carte des anciens sites industriels et activités de service (CASIAS – anciennement BASIAS)
- Carte des secteurs d’information sur les sols (SIS : secteur d’information sur les sols)
✅ Ensuite, demander les informations environnementales au vendeur ou au bailleur, qui ont des obligations d’information
✅ Enfin, consulter les documents des administrations (préfecture, DREAL, archives départementales, mairie, etc.)
L’accès à l’information environnementale est un droit. En effet, toute personne peut demander la communication d’informations complémentaires auprès des autorités, et exercer un recours en cas de refus.
➤ Réflexe #2 : identifier la nature et l’ampleur de la pollution des sols
Une fois que la pollution est découverte, il convient d’identifier la nature et l’ampleur de celle-ci.
Pour cela, vous pouvez consulter un bureau d’études spécialisé en sites et sols pollués. Ou bien demander une expertise amiable ou une expertise judiciaire.
L’expertise judiciaire est essentielle pour constituer un dossier solide juridiquement. Elle permet de constituer des preuves contradictoires, pour ensuite agir en justice.
Ainsi, l’expertise judiciaire présente plusieurs intérêts :
- solidité de la preuve
- suspension du délai de prescription (article 2239 du code civil)
- prise en charge des frais par votre assurance protection juridique (partiellement ou totalement)
- la charge finale des frais d’expertise est payée par la partie perdante.
Si vous avez une assurance protection juridique, vous pouvez la contacter pour la prise en charge de cette expertise.
Vous pouvez également consulter cet article pour tout comprendre sur l’expertise judiciaire.
➤ Réflexe #3 : faire une action juridique pour obtenir réparation de vos préjudices en cas de pollution
Si vous apprenez que votre bien immobilier se situe sur un terrain pollué, vous pouvez engager des actions juridiques.
NOTA BENE : Les modalités de gestion des pollutions, les responsables impliqués et les actions juridiques associées dépendent de chaque dossier. La stratégie juridique est élaborée en fonction de ces différents éléments.
Voici les principaux fondements juridiques sur lesquels vous pouvez vous baser pour obtenir réparation :
➥ Agir sur le fondement des vices du consentement
Pour qu’un contrat soit valide, les parties doivent pouvoir s’engager sans contrainte et en connaissance de cause.
Ainsi chaque partie est obligée de respecter l’obligation précontractuelle d’information.
Cela signifie que chaque partie doit communiquer, avant la conclusion du contrat, toute information dont l’importance est déterminante du consentement de l’autre (article 1112-1 du code civil).
Pour qu’un contrat soit valide, il faut donc donner toutes les informations environnementales à l’autre partie.
Sinon, les risques contentieux sont importants !
A savoir : les vices du consentement sont des faits susceptibles d’altérer le consentement du cocontractant. Le code civil en dénombre trois :
- l’erreur
- la violence
- le dol (des manœuvres frauduleuses visant à tromper)
A défaut d’avoir pu donner son consentement de manière libre et éclairée, un cocontractant peut saisir le juge pour obtenir réparation de ses préjudices.
➥ Agir sur le fondement des vices cachés
Prévue aux articles 1641 et suivants du code civil, ce fondement juridique permet d’obtenir la résolution de la vente lorsque 3 conditions sont réunies :
- le bien possède un défaut caché, c’est-à-dire non apparent lors de l’achat ;
- le défaut existait au moment de l’achat ;
- le défaut rend le bien inutilisable ou en diminue fortement son usage.
Le juge considère que l’ampleur d’une pollution est susceptible de constituer un vice caché. Rendant ainsi un immeuble impropre à sa destination (voir par exemple : Cass, Civ 3e, 8 juin 2006, n°04-19069).
L’acheteur a alors la possibilité de saisir le juge d’une action en justice.
➥ Lancer une action sur le fondement du défaut de délivrance conforme
Le vendeur doit vendre un bien immobilier conformément à ce qui est stipulé dans le contrat (article 1604 du code civil).
Si la chose vendue ne correspond pas exactement à la chose décrite au contrat, il y a un défaut de délivrance conforme. L’acheteur peut alors solliciter la résolution du contrat ou obtenir une diminution du prix de vente.
Attention : la garantie légale des vices cachés et le défaut de délivrance conforme sont deux procédures distinctes !
Alors que le vice caché correspond à un défaut qui affecte l’usage normal de la chose, le défaut de conformité provient d’une différence entre la chose convenue et la chose livrée.
➥ Se baser sur l’article L. 514-20 du code de l’environnement qui prévoit une obligation d’information objective ICPE
Lorsqu’une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement a été exploitée sur un terrain cédé, le vendeur est tenu d’informer l’acheteur par écrit de l’existence de cette ICPE. Ainsi que des dangers et inconvénients importants qui en résultent.
Si cette obligation n’est pas remplie, l’acheteur peut demander la résolution de la vente. Il peut également se faire restituer une partie du prix ou demander la dépollution.
Selon le juge, même si l’activité de l’ICPE n’a pas été exercée sur la parcelle cédée, il suffit que cette parcelle ait été incluse dans le périmètre de l’ICPE pour que l’obligation d’information s’applique au vendeur (Cass, Civ 3e, 21 septembre 2022, n°21-21.933).
➥ Enfin, agir sur le fondement de l’article L. 125-7 du code de l’environnement, qui prévoit une obligation d’information objective SIS
Le vendeur ou bailleur d’un terrain situé en secteur d’information sur les sols (SIS) est tenu d’en informer l’acquéreur ou le locataire par écrit.
A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, ce dernier peut demander la résolution de la vente. Ou bien, il peut selon le cas, se faire restituer une partie du prix ou obtenir une réduction du loyer.
Si vous souhaitez plus de renseignements, vous pouvez faire appel à un avocat en droit de l’environnement.
➤ Réflexe #4 : agir VITE pour éviter les prescriptions !
La prescription enferme l’action juridique dans des délais précis.
Il faut être vigilant car toute action menée à l’issue de ces délais est irrecevable !
De ce fait, agir vite, c’est se préserver la possibilité d’agir sur tous les fondements.
Et donc de se préserver un éventail juridique le plus large possible, ce qui signifie que vous augmentez vos chances de gagner !
Plusieurs fondements juridiques ont une prescription de DEUX ANS à partir de la découverte de la pollution.
Il s’agit notamment de la garantie de vices cachés et des articles L. 514-20 et L. 125-7 du code de l’environnement.
↪️ Réflexe si vous découvrez une pollution >> faire une action juridique dans l’année qui suit sa découverte !
Si vous passez le délai de 2 ans, rassurez-vous, vous pouvez quand même agir.
En effet, plusieurs fondements juridiques sont soumis au délai de 5 ans à compter du jour de la découverte de la pollution.
Que retenir ?
Les conséquences sanitaires, environnementales et économiques de la pollution d’un terrain peuvent être considérables.
Aussi pour anticiper et limiter les risques liés à la pollution des sols, voici 4 réflexes essentiels :
1️⃣ Informez-vous en amont sur l’état des sols à partir des bases de données publiques de l’État, des documents administratifs et des informations environnementales données par le propriétaire/bailleur
2️⃣ Demandez une expertise judiciaire afin de consolider la preuve d’une pollution et suspendre les délais de prescription
3️⃣ Agissez juridiquement sur le fondement du droit commun ou du droit de l’environnement pour obtenir réparation de vos préjudices
4️⃣ Enfin, agissez rapidement ! Le mieux est d’agir dans l’année qui suit la pollution, car plusieurs fondements juridiques sont limités à une durée de 2 ans à compter de la découverte de la pollution
Références
► Articles du code civil sur les actions de droit commun :
- Vices du consentement : Articles 1130 et suivants du code civil
- Obligation précontractuelle d’information : Article 1112-1 du code civil
- Responsabilité délictuelle : Articles 1240 du code civil
- Responsabilité contractuelle : Article 1231-1 du code civil
- Garantie des vices cachés : Articles 1641 et suivants du code civil
- Délivrance conforme : Article 1604
- Délais de prescription de droit commun : Articles 2219 et suivants
► Articles du code de l’environnement sur les actions spéciales :
- Obligation d’information du vendeur d’une ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) : Article L.514-20 du code de l’environnement
- Obligation d’information du vendeur d’un terrain situé en SIS (secteur d’information sur les sols) : Article L.125-7 du code de l’environnement
► Jurisprudences citées :
- Ampleur de la pollution et vice caché : Cour de cassation, Civ. 3, 8 juin 2006, n°04-19096
- Pollution et vice caché : Cour de cassation, Civ. 3, 30 septembre 2021, n°20-15.364
- Obligation d’information ICPE : Cour de cassation, Civ. 3, 21 septembre 2022, n°21-21.933
► Portail Géorisques, « M’informer sur la pollution des sols, SIS et anciens sites industriels »
► Section thématique Sites et sols pollués, Portail InfoTerre, Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires
► « Les sols en France : synthèse des connaissances en 2021 », Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement et les transports, Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, publié le 24/03/2022 (consulté le 11 avril 2023)
► Rapport « Pollution industrielle et minière des sols : assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir » de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols, septembre 2020
► Rapport ADEME, Direction régionale Normandie, « Sites et sols pollués : comment agir ? », Octobre 2019
► Sols pollués, ADEME Expertises