Expertise judiciaire : qui paie les frais d’expertise ?

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L’expertise judiciaire est une étape essentielle pour constituer un dossier solide juridiquement.

En effet, l’expertise judiciaire permet de constituer des preuves contradictoires, pour ensuite agir en justice. Mais une expertise coûte souvent cher !

Souvent, les justiciables ne savent pas exactement comment se déroule une expertise judiciaire, qui doit avancer les frais et qui doit payer la charge finale des frais d’expertise.

Voici un article pour tout comprendre sur les frais d’expertise, qui font partie des “dépens”, à savoir l’ensemble des frais directement liés à la procédure.

>> Pourquoi l’expertise judiciaire est si importante ?

Le principe de la contradiction (ou principe du contradictoire) est extrêmement important dans notre système juridique.

Selon l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Le jugement qui se fonde exclusivement sur une expertise amiable viole le principe du contradictoire défini à l’article 16 du Code de procédure civil ainsi que le principe du procès équitable de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

L’expertise judiciaire est importante, car elle respecte le principe de la contradiction et constitue donc une preuve solide.

Le juge peut se fonder sur un rapport d’expertise judiciaire pour statuer.

De ce fait, les conclusions d’une expertise judiciaire sont souvent déterminantes pour l’issue d’un procès.

Les experts ne doivent pas être confondus avec les sapiteurs. Les sapiteurs sont des techniciens ayant une spécialité différente de celle de l’expert, auquel l’expert peut demander un avis.

Lorsque la solution d’un litige dépend d’une analyse technique, le juge accorde un grand crédit aux éléments techniques apportés par les experts et sapiteurs.

En résumé, les 3 AVANTAGES de l’expertise judiciaire sont :

1️⃣ Constituer une preuve solide

2️⃣ Interrompre la prescription

3️⃣ Remboursement des frais avancés par la partie perdante à la fin (en civil et en administratif)

>> CIVIL : Qui avance les frais d’expertise ?

L’article 695 du code de procédure civile indique que « la rémunération des techniciens » fait partie des dépens.

Au cours d’une procédure civile, le juge qui ordonne l’expertise a également l’obligation de fixer le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de l’expert. Cette provision doit se rapprocher le plus possible de sa rémunération définitive.
C’est la consignation (article 269 du code de procédure civile).

À l’occasion de la consignation, le juge désigne également la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction compétente.

Cette consignation constitue une provision, et non un paiement définitif.

Ainsi, la ou les parties ayant avancé la consignation pourront être remboursées si le juge décide, lors du jugement, que la charge finale des frais d’expertise ne leur incombe pas.

En règle générale, c’est plutôt au demandeur de verser cette consignation, puisque c’est à lui que bénéficiera l’expertise.

L’expert peut demander la consignation d’une provision complémentaire (article 280 du code de procédure civile).

La consignation de la provision complémentaire n’est pas nécessairement mise à la charge du demandeur initial : le juge peut la demander à celui qui est à l’origine de la demande d’extension.

Si une personne bénéficie de l’aide juridictionnelle, elle est dispensée de la consignation des frais d’expertise (article 116 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020).

Si plusieurs parties sont désignées, alors le juge précise dans quelle proportion chacune des parties devra consigner.

 

>> CIVIL : Quel est le délai pour avancer les frais d’expertise ?

Le magistrat décide également d’un délai durant lequel cette consignation devra être versée.

Point de vigilance : à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti, la désignation de l’expert est caduque (article 271 du code de procédure civile).

La partie qui rencontre des difficultés pour s’acquitter de la provision peut saisir le juge, avant l’expiration du délai de consignation, en exposant ses difficultés. Le juge pourra, en considération des justificatifs qui lui sont fournis, soit accorder un délai supplémentaire pour verser la totalité de la consignation, soit autoriser un paiement fractionné en plusieurs échéances.

Cette dernière solution est moins utilisée car elle engendre un travail supplémentaire pour la régie du tribunal.

En outre, à défaut de consignation de la provision complémentaire dans le délai imparti, l’expert dépose son rapport en l’état.

>> CIVIL : Qui doit payer la charge finale des frais d’expertise ?

Lors de son jugement, le juge détermine à quelle partie revient la charge finale des frais d’expertise.

Il s’agit généralement de la partie perdante, mais ce n’est pas toujours le cas (article 700 du code de procédure civile).

En effet, ici aussi le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

>> PÉNAL : Qui avance les frais d’expertise ?

Au sein de la juridiction pénale, les frais d’expertise sont compris dans les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police décrits à l’article 800-1 du code de procédure pénale.

⫸ Les frais d’expertise, comme l’intégralité des frais de justice sont en principe à la charge de l’État.

Cependant, en cas de plainte avec constitution de partie civile, la partie civile doit consigner une somme d’argent au greffe de la juridiction pour les frais de procédure.

Le juge d’instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte. En fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation que celle-ci doit, si elle n’a obtenu l’aide juridictionnelle, déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte. Il peut dispenser de consignation la partie civile (article 88 du code de procédure pénale).

A défaut de consignation dans le délai imparti par le juge d’instruction, la plainte est irrecevable.

Le juge d’instruction doit tenir compte des ressources de la partie civile, et peut la dispenser de consignation si elles sont insuffisantes.

Cette somme garantit notamment le paiement d’une éventuelle amende en cas de constitution de partie civile abusive.

De plus, le juge d’instruction peut ordonner, en cours de procédure, à la partie civile qui demande la réalisation d’une expertise de verser une consignation complémentaire (article 88-2 du code de procédure pénale).

>> PÉNAL : Au final, qui paie les frais d’expertise ?

→  Si le condamné est une personne physique, les frais d’expertise demeurent à la charge de l’Etat.

Cependant, l’État peut former un recours contre une partie civile dont la constitution a été jugée abusive ou dilatoire (articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale).

Dans ce cas, les sommes consignées pour les frais des expertises ordonnées à sa demande peuvent ne pas lui être restituées (article 800-1 du code de procédure pénale).

Il est cependant impossible pour l’État de recourir à cette procédure en matière criminelle et en matière de délits contre les personnes prévues par le livre II du code pénal. De la même façon, il est impossible pour l’État de se retourner contre une personne ayant bénéficié de l’aide juridictionnelle.

→  Si le condamné est une personne morale, alors il se doit de prendre en charge l’intégralité des frais de justice, dont les frais d’expertise.

La juridiction peut toutefois déroger à cette règle et décider de la prise en charge de tout ou partie des frais de justice par l’État.

expertise judiciaire et frais

>> ADMINISTRATIF : Quels sont les frais d’expertise ?

En procédure administrative, les experts et sapiteurs ont droit à l’allocation d’honoraires ainsi qu’au remboursement de leurs frais et débours (article R. 621-11 du code de justice administrative).

  • Les honoraires correspondent au travail personnel de l’expert, à savoir toute démarche faite par lui en vue de l’accomplissement de sa mission.

  • Les frais et débours correspondent par exemple aux frais de transport ou aux coûts postaux. Ils doivent être assortis de justificatifs.


C’est le juge qui fixe par ordonnance les honoraires alloués aux experts. Pour ce faire, le magistrat prend compte les difficultés des opérations, l’importance, l’utilité et la nature du travail fourni par l’expert.

Le juge va également arrêter sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l’expert.

L’expert doit veiller à ce que les frais qu’il expose ne soient pas excessifs au regard de l’enjeu du litige. A défaut, il s’expose à ce que ces frais ne lui soient pas remboursés.

En cas d’hésitation, l’expert a la possibilité de saisir le juge ayant ordonné l’expertise.

>> ADMINISTRATIF : Qui avance les frais d’expertise ?

Dans le cadre d’une procédure administrative, l’expert peut demander au juge avant le jugement une allocation provisionnelle. Cette allocation représente une partie de ses honoraires et débours (article R. 621-12 du code de justice administrative).

Le juge peut accorder cette allocation à différents moments de la procédure :

  • au début de l’expertise ;
  • au cours de l’expertise ;
  • après le dépôt du rapport d’expertise et jusqu’à intervention du jugement.

Cela dépend de la durée et de l’importance des opérations de l’expertise. Le juge a également la possibilité de refuser cette allocation.

C’est également le magistrat qui précise la ou les parties qui devront verser cette allocation à l’expert. Cette décision n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours.

Généralement, c’est au demandeur de verser cette allocation, car c’est à lui que l’expertise bénéficiera.

Si une personne bénéficie de l’aide juridictionnelle, le versement de l’allocation provisionnelle est pris en charge par l’Etat (article R. 761-5 du code de justice administrative).

L’absence de versement de l’allocation provisionnelle par la partie qui en a la charge dans le mois qui suit sa notification donne lieu, à la demande de l’expert, à une mise en demeure par le magistrat (article R. 621-12-1 du code de justice administrative).

En cas d’absence de versement dans le délai prévu par la mise en demeure, l’expert dépose sa note de frais et honoraires et un rapport se limitant au constat des diligences effectuées et de la carence dans le versement de l’allocation provisionnelle.

>> ADMINISTRATIF : Qui doit payer la charge finale des frais d’expertise ?

Lors de son jugement, le juge détermine à quelle partie revient la charge finale des frais d’expertise. Il s’agit généralement de la partie perdante, mais ce n’est pas toujours le cas (articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative).

En effet, pour prendre une décision, le juge tient notamment compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

De ce fait, le juge administratif peut estimer que la condamnation de la partie perdante à payer les frais d’expertise n’est pas justifiée.

Dans les procédures en référé, le juge fixe les frais et honoraires par ordonnance et désigne la ou les parties qui paieront (article R. 621-13 du code de justice administrative).

S’il y a par la suite un jugement au fond, le juge peut modifier la charge finale des frais d’expertise décidée en référé.

>> En pratique, l’importance de l’assurance de protection juridique pour les frais d’expertise

Une assurance de protection juridique permet à un assuré de (article L. 127-1 du code des assurances) :

  • obtenir des informations juridique sur un sujet en cas de litige ;
  • trouver une solution amiable dans un litige l’opposant à un tiers ;
  • assurer la prise en charge des frais de procédure.

Elle peut prendre la forme :

→  d’une assurance “intégrée”, la protection juridique étant directement intégrée dans un autre contrat (assurance automobile, assurance multirisques habitation) ;
→  d’une assurance “autonome”, dans le cadre d’un contrat ayant pour objet spécifique la souscription d’une assurance de protection juridique.

Les assurances de protection juridique prennent généralement en charge les frais de procédure et les frais d’expertise, bien que l’étendue des prestations assurées et le coût soient très variables d’une assurance à une autre.

Toutefois, le contrat peut prévoir certaines limites, par exemple l’exclusion des litiges dont le montant est inférieur ou supérieur à un certain seuil.

Il convient donc de s’assurer que le contrat prévoit expressément la prise en charge des frais d’expertise judiciaire.

Que retenir ?

Les 3 AVANTAGES de l’expertise judiciaire sont :

1️⃣ Constitution d’une preuve solide, car établie contradictoirement

2️⃣ Interruption de la prescription

3️⃣ Remboursement des frais avancés par le demandeur (en civil et administratif) par la partie perdante à la fin de l’affaire :

❇️ Devant le juge administratif et civil, c’est aux demandeurs d’avancer les frais d’expertise.

En procédure administrative, le juge peut ordonner avant le jugement, le versement d’une allocation provisionnelle aux experts.

En procédure civile, le juge doit ordonner avant le jugement, le versement d’une consignation aux experts.

Dans sa décision, le juge (administratif ou civil) détermine qui paie la charge finale des frais d’expertise. Il s’agit généralement de la partie perdante.

 ❇️  Devant le juge pénal, c’est en principe à l’État de régler les frais d’expertise. Lorsque le condamné est une personne morale, la charge des frais d’expertise peut lui revenir.

Si une personne a souscrit une assurance de protection juridique, les frais d’expertise peuvent être pris en charge selon les termes du contrat.

Références

Procédure civile

► La nature des frais d’expertises : article 695 4° du code de procédure civile

► Le champ d’application de l’expertise : article 263 du code de procédure civile

► Dispense de consignation au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle : article 116 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020

► Les frais d’expertises complémentaires peuvent être à la charge de la partie à l’origine de cette demande : Cour de cassation 2e chambre civile, 16 mai 2013, n° 11-28.060

► La condamnation aux frais d’expertise : article 700 du code de procédure civile

Procédure pénale

► Les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police : article 800-1 du code de procédure pénale

► La consignation par la partie civile des sommes présumées nécessaires : article 88 du code de procédure pénale

► La constitution de partie civile abusive ou dilatoire : article 117-2 et article 212-2 du code de procédure pénale

Procédure administrative

► La nature des frais d’expertises : article R. 621-11 du code de justice administrative

► L’allocation provisionnelle : article R. 621-12 du code de justice administrative

► Prise en charge par l’Etat de l’allocation provisionnelle à la charge du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle : article R. 761-5 du code de justice administrative

► La condamnation aux frais d’expertise : article L. 761-1 du code de justice administrative

► Fixation des frais d’expertise et désignation du débiteur en référé : article R. 621-13 du code de justice administrative

Assurance de protection juridique

► Définition des prestations d’assurance de protection juridique : article L. 127-1 du code des assurances

► Généralités sur les assurances de protection juridique : Qu’est-ce que la garantie protection juridique ? | Service-public.fr

 

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