Principes de proximité et connexité en droit des ICPE et IOTA : enjeux et conséquences

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Le droit de l’environnement a pour objet de préserver les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les êtres vivants et la biodiversité, qui font partie du patrimoine commun de la nation.

Afin de préserver ces éléments, le droit de l’environnement a une approche globale et applique les principes de proximité et de connexité.

Connexité et proximité

Ces principes sont essentiels, car ils influencent le régime administratif des réglementations environnementales, notamment concernant les réglementations :

  • ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) et,
  • IOTA (installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques)


Voici un article pour tout comprendre sur les principes de proximité et de connexité !

>> Quels sont les principes de connexité et de proximité ?

Le droit de l’environnement s’inscrit dans une approche globale, nécessaire à la préservation de l’environnement et de la santé.

Cette approche globale se manifeste notamment par la prise en compte des activités proches ou connexes à une installation susceptible de présenter des dangers ou inconvénients pour l’environnement et/ou la santé.

Les dangers et inconvénients sur l’environnement et/ou la santé générés par une installation ne peuvent être efficacement prévenus et gérés qu’à condition que les prescriptions applicables à cette installation soient correctement dimensionnées.

En effet, l’efficacité des prescriptions sera moindre si celles-ci ne réglementent pas de manière globale et cohérente la totalité des activités sources de nuisances.

Le périmètre d’une installation doit donc inclure, outre l’installation elle-même, les installations :

⫸ dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients pour l’environnement et la santé ou,
⫸ que leur connexité rend nécessaires en raison de leur lien fonctionnel.

L’enjeu est d’éviter le fractionnement juridique des installations.

Autrement dit, les exploitants ne doivent pas pouvoir limiter artificiellement la portée géographique des obligations qui leur incombent ou des sanctions prononcées à leur encontre.

Ainsi, les principes de proximité et de connexité irriguent de nombreuses réglementations du droit de l’environnement, en ce compris la réalisation des études de danger. Celles-ci doivent prendre en compte “les installations et équipements exploités ou projetés qui, par leur proximité ou leur connexité, sont de nature à modifier les risques liés à l’ouvrage”.

Connexité ICPE2

>> Que signifie l’effet attractif du régime le plus strict ?

A partir du moment où un établissement comporte plusieurs installations classées dont l’une est soumise à autorisation, le principe de connexité amène à considérer que l’ensemble est soumis à autorisation.

Ce mécanisme est qualifié d’effet attractif : le régime le plus strict s’applique sur tout le site.

C’est un principe général du droit de l’environnement, dont l’application par la jurisprudence est ancienne [1].

Principe de proximité : un projet d’installation peut être qualifié de proche d’une installation existante s’il est de nature à modifier notablement les dangers ou inconvénients pour l’environnement et la santé de l’installation existante.

Principe de connexité : un projet d’installation peut être qualifié de connexe à une installation existante lorsque le projet d’installation entretient avec cette dernière un lien fonctionnel le rendant nécessaire à l’installation existante.

A titre d’exemple, une carrière et une installation de concassage et de lavage de matériaux exploitée à proximité de la carrière sont des installations connexes, en raison du lien fonctionnel qu’elles entretiennent [2].

>> Dans quel cadre une activité peut-elle influencer le régime ICPE ?

En application des principes de connexité et de proximité, le régime d’une installation peut être influencé par le régime d’une ICPE existante ou d’un projet d’ICPE [3].

Un projet ICPE ou IOTA peut être soumis à un régime plus contraignant, par le jeu de l’effet attractif d’une ICPE existante.

Un projet ICPE ou IOTA peut être soumis au même régime que celui d’une ICPE existante, dès lors que le projet et l’ICPE existante :

  • ont le même exploitant ;
  • sont situées sur le même site. Plusieurs installations peuvent être appréciées comme relevant d’un site si elles constituent une source synergique de nuisances [4] ;
  • sont dans un rapport de connexité, c’est-à-dire qu’ils entretiennent un lien fonctionnel.

 

>> Attractivité d’une ICPE soumise à autorisation vis-à-vis des autres régimes

Le régime applicable à un site ICPE n’est pas toujours aisé à identifier.

Pour comprendre la réglementation ICPE, nous vous invitons à consulter notre article ICPE : tout savoir sur cette réglementation en 10 points clés.

En effet, outre les seuils prévus par la nomenclature ICPE, le régime auquel le projet est soumis peut être influencé par la proximité avec une installation existante, ou par sa connexité avec celle-ci.

Ainsi, pour déterminer le régime applicable au projet, le porteur de projet doit donc prendre en compte les ICPE et installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA) existants situés à proximité ou que leur connexité rend nécessaire à l’installation.

Dès lors qu’un établissement ou un site comporte plusieurs installations, dont l’une est soumise à autorisation ICPE, le principe de connexité amène à considérer que l’ensemble des installations est soumis à autorisation [5].

L’application de ce principe entraîne plusieurs conséquences :

⫸  Les prescriptions d’une autorisation environnementale peuvent s’appliquer aux installations proches ou connexes :

  • relevant du régime de l’enregistrement ICPE ;
  • relevant du régime de la déclaration ICPE ;
  • relevant du régime de la déclaration IOTA ;
  • ne relevant d’aucun de ces régimes : activités non classées.

⫸  Lorsqu’une ICPE soumise à enregistrement est, par sa proximité ou sa connexité avec une installation soumise à autorisation, de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients pour l’environnement ou la santé, l’exploitant doit déposer une nouvelle demande d’autorisation [6].

Ainsi, le porteur de projet ne doit pas déposer une demande d’enregistrement, mais une nouvelle demande d’autorisation environnementale portant sur les deux installations, c’est-à-dire sur l’ICPE existante soumise à autorisation et sur le projet d’ICPE qui aurait dû être soumis à enregistrement.

⫸  La totalité du périmètre d’une ICPE relève du régime de l’autorisation dès lors qu’une ICPE soumise à autorisation y a été exploitée, même si cette exploitation n’a concerné qu’une partie de l’emprise du site.

Si une ICPE soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur. Le vendeur doit également informer l’acquéreur des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation, pour autant qu’il les connaisse.

Prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement, cette information contractuelle est due, y compris :

  • lorsque les parcelles vendues n’ont pas matériellement accueilli l’ICPE soumise à autorisation [8] ;
  • en cas d’exploitation illégale d’une ICPE, lorsque l’exploitant n’a pas sollicité l’autorisation préfectorale requise [9].

Un avocat en droit de l’environnement peut vous aider à respecter cette obligation d’information contractuelle !

>> Attractivité d’une ICPE soumise à enregistrement ou à déclaration vis-à-vis des IOTA soumis à déclaration

Un porteur de projet d’une ICPE soumise à déclaration ou à enregistrement doit inclure les activités IOTA soumises à déclaration si :
  →  leur connexité est nécessaires à l’ICPE ;
  →  la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou les inconvénients [10].

Dans ces cas, l’arrêté d’enregistrement et l’éventuel arrêté de prescriptions complémentaires au récépissé de déclaration doivent permettre d’assurer le respect des intérêts protégés par la réglementation IOTA.

En contrepartie, l’ICPE ne sera pas soumise à la réglementation IOTA : la totalité de l’installation doit être regardée comme relevant de la réglementation ICPE.

NOTA BENE : Il n’y a pas d’effet attractif entre une ICPE soumise à enregistrement et :

  • une ICPE soumise à déclaration ;
  • une activité non classée.

Autrement dit, une ICPE soumise à déclaration et une activité non classée ne peuvent pas être soumises à enregistrement en raison de leur proximité ou de leur connexité avec une ICPE soumise à enregistrement.

De même, il n’y a pas d’effet attractif entre une ICPE soumise à déclaration et une activité non classée.

Que retenir ?

Le droit de l’environnement s’inscrit dans une approche globale, nécessaire à la préservation de l’environnement et de la santé.

Cette approche globale se manifeste notamment par la prise en compte des activités proches ou connexes à une installation susceptible de présenter des dangers ou inconvénients pour l’environnement et/ou la santé.

De ce fait, à partir du moment où un établissement comporte plusieurs ICPE dont l’une est soumise à autorisation, le principe de connexité amène à considérer que l’ensemble est soumis à autorisation.

Tout le site est soumis au régime d’autorisation si les activités :

  • ont le même exploitant ;
  • sont situées sur le même site ;
  • sont dans un rapport de connexité, c’est-à-dire qu’ils entretiennent un lien fonctionnel.


Un porteur de projet d’une ICPE soumise à déclaration ou à enregistrement doit inclure les IOTA qu’il projette et :

  • que leur connexité rend nécessaires à l’ICPE ;
  • ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou les inconvénients .

[1]  Jurisprudence concernant le principe de connexité : Conseil d’Etat, 1er avril 1960, n°41757

[2]  Connexité entre une carrière et une installation de traitement et de concassage située à proximité : CAA Lyon, 3 mars 2009, n° 06LY02413

[3]  Périmètre d’une ICPE et effet attractif : Point 3 de la partie I de l’annexe de la note du 20 décembre 2021 relative aux modifications des installations classées pour la protection de l’environnement

[4]  Indice d’identification d’un seul site ICPE selon l’existence d’une source synergique de nuisances : Circulaire du 6 juillet 2005 – précisions concernant certaines notions relatives aux élevages

[5]  Périmètre de l’autorisation environnementale : Article L. 181-1 du code de l’environnement
M’informer sur les installations classées | Géorisques – Ministère de la transition écologique

[6]  Modification substantielle en cas de connexité ou de proximité d’une ICPE soumise à enregistrement avec une ICPE existante soumise à autorisation : Article R. 512-46-2 du code de l’environnement

[7]  Obligation d’informer l’acheteur que le terrain vendu a accueilli une ICPE soumise à autorisation : Article L. 514-20 du code de l’environnement

[8]  Obligation d’information sur l’exploitation d’une ICPE soumise à autorisation, y compris lorsque les parcelles vendues n’ont pas matériellement accueilli l’ICPE soumise à autorisation : Cour de cassation, 3e chambre civile, 21 septembre 2022, n° 21-21.933

[9]  Obligation d’information du vendeur sur l’exploitation d’une ICPE soumise à autorisation y compris en cas d’exploitation illégale de l’installation : Cour d’appel de Paris, 8 octobre 2008, n° 07/13082

[10] Attractivité d’une ICPE soumise à enregistrement ou à déclaration vis-à-vis des IOTA soumis à déclaration :
Article L. 512-7 du code de l’environnement pour les ICPE soumises à enregistrement
Article L. 512-8 du code de l’environnement pour les ICPE soumises à déclaration

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