Le référé pénal environnemental est un mécanisme qui, en cas de non-respect de certaines dispositions du code de l’environnement ou du code minier, permet au juge pénal d’ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser les atteintes à l’environnement. Ces mesures peuvent aller jusqu’à la suspension ou l’interdiction des opérations litigieuses.
La décision rendue par le juge des libertés et de la détention est immédiatement exécutoire.
Elle peut être prise dans l’attente de la décision « au fond » qui se prononcera alors sur d’éventuelles infractions pénales, culpabilités et peines.
Par conséquence le référé pénal environnemental vise à mettre très rapidement un terme à une pollution constatée ou à en limiter l’ampleur. L’objectif est de prévenir et réparer les atteintes à l’environnement, dans des délais très courts.
Le référé pénal environnemental est donc avant tout marqué par les objectifs de préservation de l’environnement et de la santé publique.
>> Depuis quand le référé pénal environnemental existe-t-il ?
Il a pour la première fois été introduit par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992. Le référé pénal environnemental était alors spécifique aux atteintes à l’écosystème aquatique. Par la suite, il été codifié à l’article L.216-13 du code de l’environnement.
Au fil du temps, le législateur a élargi le champ d’application de l’article L. 216-13 du code de l’environnement. Ainsi aujourd’hui, cet article couvre un large champ d’application.
De surcroît, la durée durant laquelle le juge peut imposer des mesures utiles est passée de trois mois à une année (loi biodiversité n°2016-1087).
La dernière modification est issue de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience ». De ce fait, le référé pénal environnemental a été étendu pour intégrer les articles L. 171-7 du code de l’environnement et L. 111-13 du code minier.
L’importance de donner les moyens à la justice de se saisir des atteintes à l’environnement est telle, qu’il a été ordonnée en 2021 la réalisation d’une mission d’information flash « Référé spécial environnemental ».
Ainsi les députées ayant mené la mission ont souligné que le référé pénal environnemental permettait de “doubler l’action du procureur de la République d’une logique de précaution. Et également d’adapter ce référé pénal spécial aux nouvelles exigences de protection judiciaire de l’environnement”.
>> Concrètement, comment fonctionne le référé pénal environnemental ?
L’article L.216-13 du code de l’environnement prévoit une liste de cas limitativement énumérés dans lesquels le référé peut être utilisé.
Il s’agit du non-respect des dispositions en matière de :
- mesures édictées par les autorités administratives en cas d’installations illégales (article L. 171-7 du code de l’environnement) ;
- autorisations environnementales ICPE ;
- autorisations IOTA ;
- préservation de la qualité et de la répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de mer ;
- fracturation hydraulique (disposition du code minier).
Le procureur de la République peut se saisir d’office ou être saisi par :
↪ une autorité administrative ;
↪ une victime ;
↪ une association agréée pour la protection de l’environnement.
Dans ce dernier cas, l’association doit préalablement obtenir son agrément auprès du préfet du département dans lequel elle a son siège social.
Le juge des libertés et de la détention (dans le cadre d’une enquête préliminaire) ou le juge d’instruction (lorsqu’une information judiciaire est ouverte) sont, sur requête du procureur, compétents pour ordonner les mesures prévues à l’article L.216-13 du code de l’environnement. Et ce, pour une durée d’un an au plus.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette procédure particulière mêlant droit de l’environnement et droit pénal.
Dans un arrêt rendu le 28 janvier 2020, la Cour de cassation a précisé que la mise en œuvre du référé pénal environnemental ne nécessitait pas la caractérisation d’une faute pénale de nature à engager la responsabilité pénale de la personne mise en cause.
Mais ici, il s’agit essentiellement pour le juge pénal, d’être en mesure de faire cesser en urgence une pollution ou ses effets « dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire ».
De fait, il s’agit d’une procédure contradictoire. La personne intéressée doit obligatoirement être entendue ou convoquée à comparaître pour pouvoir présenter ses observations. Les autorités administratives, victimes et associations agréées pour la protection de l’environnement peuvent également être entendues à leur demande.
Le délai d’appel est de 10 jours. En cas d’appel, la décision peut être suspendue jusqu’à une durée maximale de 20 jours.
>> Quelles sont les mesures qui peuvent être ordonnées par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction ?
Outre la suspension ou l’arrêt des activités, le champ des mesures pouvant être ordonnées est très large. Il dépend de la pollution constatée et du fonctionnement de l’ouvrage ou des installations en cause.
A titre d’exemple, les mesures utiles ordonnées peuvent être :
- la cessation immédiate de la pollution ;
- la mise en place d’une solution temporaire et palliative ;
- la conduite d’évaluations ou de surveillances périodiques ;
- l’obligation de se soumettre à des contrôles effectués par les autorités administratives.
A noter que ces mesures peuvent être ordonnées sous astreinte (par exemple 1000€ par jour de retard) et pendant un délai maximum d’une année.
>> Le référé pénal environnemental a-t-il déjà été utilisé ?
Cette procédure a été peu utilisée jusqu’à présent. Toutefois, elle est vouée à l’être plus fréquemment car il s’agit d’un outil très intéressant et potentiellement très efficace sur le court terme.
Le Tribunal de grande instance de Lyon a pour la première fois pris une décision sur ce fondement, le 5 septembre 2018. Ainsi il a ordonné au propriétaire et à l’exploitant d’une station d’épuration de cesser tous les rejets illicites dans le cours d’eau « La Brévenne ».
Le 5 mai 2022, le Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a rendu une ordonnance du même ordre, suite à la détection de rejets illicites polluants dans le cours d’eau du « Say ». Il est intéressant de noter que, outre l’intérêt sanitaire et la nécessité de mettre fin à la pollution au regard de ses effets déjà néfastes sur l’environnement, le Tribunal a également considéré l’intérêt économique en cause. Notamment en relevant l’importance de l’environnement naturel en matière d’attractivité du département.
En mai 2022, le cabinet KAIZEN AVOCAT a déposé deux requêtes fondées sur l’article L. 216-13 du code de l’environnement auprès du procureur de la République, aux fins de faire cesser des atteintes graves à l’environnement et à la santé publique commises par deux ICPE de la Vallée de la Chimie. Une nouvelle requête a été déposée en mai 2023, l’affaire est en cours.
Que retenir ?
Le référé pénal environnemental est prévu par l’article L.216-13 du code de l’environnement.
Il permet à une victime de pollution, à une association agréée pour la protection de l’environnement ou à une autorité administrative de saisir le procureur de la République en cas de non-respect de certaines dispositions limitativement énumérées du code de l’environnement ou du code minier.
Le procureur de la République devra ensuite saisir le juge des libertés et de la détention, qui pourra ordonner toutes mesures utiles pendant une durée maximale d’une année. Ces mesures peuvent aller jusqu’à la suspension ou l’interdiction des opérations.
Cette procédure d’urgence vise essentiellement à faire cesser une pollution constatée ou à en limiter les effets négatifs notables pour l’environnement et la santé, sans attendre l’issue de l’enquête pénale et la décision au fond.
Références
► Article L.216-13 du code de l’environnement
► Décision n°19-80091 de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 janvier 2020
► Mission « flash » sur le référé spécial environnemental, Assemblée nationale, 10 mars 2021