Petit guide de sérénité pour le congé maternité
La grossesse et la maternité sont des moments qui peuvent s’avérer anxiogènes pour les avocates collaboratrices libérales. Car de nombreuses avocates ont déjà vécu ou entendu parler de difficultés rencontrées par leurs consœurs à ces occasions.
De fait, l’enquête Collaboration lancée en 2022 par le Conseil national des Barreaux (CNB) révèle que 61,5 % des collaboratrices ont subi un harcèlement ou des discriminations en lien avec leur grossesse.
Ces discriminations représentent près d’un tiers des discriminations subies par l’ensemble des avocats collaborateurs.
Au-delà de ces injustices et de leurs conséquences parfois désastreuses pour la vie professionnelle et personnelle, l’avocate collaboratrice libérale se retrouve souvent seule à gérer l’aspect administratif du congé maternité et les éventuelles difficultés.
Cet article a pour objet de vous donner un petit guide de sérénité pour le congé maternité. Anticiper la grossesse et la prise en charge du congé maternité vous permettra de vivre cette période le plus sereinement possible.
NOTA BENE : cet article, basé sur plusieurs retours d’expérience, a pour objet de donner des informations et conseils pratiques pour gérer au mieux cette période de vie. Il ne s’agit pas d’un article exhaustif tant les situations de chacune diffèrent.
>> Durée du congé maternité : 16 semaines
Le principe du congé maternité est défini à l’article 14.5.1 du RIN de la profession d’avocat.
L’avocate collaboratrice libérale bénéficie d’un congé maternité d’une durée minimale de 16 semaines pour le premier et le deuxième enfant. Cette durée est portée à 26 semaines à partir du troisième enfant. Cela varie également pour les naissances multiples.
Depuis la suppression du Régime Social des Indépendants (RSI), le régime du congé maternité des avocates collaboratrices libérales correspond à celui de toutes les travailleuses indépendantes en congé maternité affiliées au régime général de la sécurité sociale.
Pour un premier et un deuxième enfant, l’avocate a droit à un congé maternité de 16 semaines avec un minimum de 6 semaines à respecter avant le terme et 10 semaines après l’accouchement.
Il est possible de décaler le début du congé maternité dans la limite de 3 semaines et uniquement sur accord du médecin qui suit la grossesse.
>> Rémunération du congé maternité : les différentes prestations maternité
Les conséquences du congé maternité sur la rémunération et les droits à congés sont définies à l’article 14.5.2 du RIN :
“La collaboratrice libérale reçoit pendant la période de suspension de sa collaboration à l'occasion de son accouchement sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous la seule déduction des indemnités perçues dans le cadre du régime d'assurance maladie des professions libérales ou dans le cadre des régimes de prévoyance collective du barreau ou individuelle obligatoire. La période de suspension ouvre droit à repos rémunérés."
Le cabinet est tenu de maintenir le versement de sa rétrocession d’honoraires à l’avocate collaboratrice libérale.
L’avocate doit ensuite reverser au cabinet les indemnités journalières de la sécurité sociale et l’allocation forfaitaire de l’organisme de prévoyance collective du Barreau.
En pratique, la collaboratrice libérale établit ses factures de rétrocession d’honoraires comme à son habitude. Puis elle reverse les prestations maternité qu’elle reçoit à son cabinet.
Il ne faut donc pas établir des factures de rétrocession d’honoraires sur lesquelles ces sommes seraient directement déduites.
Enfin, le congé maternité n’affecte pas le nombre de jours de congés payés dont l’avocate bénéficie au titre de sa collaboration libérale.
➤ Focus sur les prestations maternité de la CPAM
L’Assurance Maladie verse deux types de prestations maternité à l’avocate collaboratrice libérale :
- Les indemnités journalières d’interruption d’activité => versées tous les 14 jours pendant toute la durée du congé maternité.
- L’allocation forfaitaire de repos maternel => versée en deux fractions, la première au début du congé maternité, la seconde après l’accouchement. Théoriquement, ces versements sont spontanés.
L’assurance maladie calcule le montant des prestations maternité sur la base du revenu professionnel moyen des trois dernières années civiles.
En 2023 et dans les cas où le revenu professionnel moyen annuel des 3 dernières années est supérieur à 4113,60€, les montants des prestations maternité sont de :
- 56,35 € par jour pour les indemnités journalières ;
- 3666 € pour l’allocation forfaitaire de repos maternel.
Seules les indemnités journalières doivent être reversées au cabinet. L’allocation forfaitaire de repos maternel reste due à l’avocate collaboratrice libérale.
Point de vigilance en cas de changement de régime : les droits à prestation maternité peuvent être impactés du fait d’une évolution dans la vie professionnelle de l’avocate collaboratrice libérale, notamment du fait d’un changement de régime.
Aux termes de l’article D623-8 du code de la sécurité sociale, les travailleuses indépendantes doivent justifier de 10 mois d’affiliation, à la date présumée de l’accouchement, au titre d’une activité non salariée. Il existe toutefois des mécanismes de maintien de droits, prévus par l’article L161-8 du code de la sécurité sociale.
➤ Focus sur les prestations maternité de l’organisme de prévoyance collective de votre Barreau
Chaque Barreau souscrit un contrat de prévoyance collective : soit auprès de la Prévoyance des Avocats (LPA), soit auprès de AON (pour les Barreaux de Lyon, Paris et Hauts-de-Seine).
En 2023, le forfait jour maternité versé par AON au sein du Barreau de Lyon est de 30 € par jour pendant les 16 semaines du congé maternité.
>> Le congé maternité pas à pas : les 7 étapes à suivre
➤ Étape 1 : la déclaration de grossesse
La déclaration de grossesse a pour but d’informer l’Assurance Maladie et la CAF de la grossesse et de l’arrivée future d’un enfant.
Elle doit intervenir avant la fin du 3ème mois de grossesse et est généralement effectuée par le médecin ou la sage-femme en charge du suivi de la grossesse. Il n’y a pas de démarche personnelle particulière à faire.
➤ Étape 2 : l’information au cabinet
L’annonce de la grossesse n’est encadrée par aucune condition de délai ou de forme. Il revient donc à chacune de faire au mieux, en fonction de ses relations avec le cabinet.
Dans la mesure du possible, il est conseillé de le dire suffisamment tôt pour que le cabinet puisse s’organiser en cas de remplacement de l’avocate pendant le congé maternité.
➤ Étape 3 : les démarches auprès de l’Ordre des avocats
Il est nécessaire de se rapprocher de l’Ordre des avocats au sujet de son congé maternité.
D’une part, pour obtenir la liste des démarches à effectuer, notamment vis-à-vis de la prévoyance collective du Barreau.
D’autre part, pour que l’Ordre puisse informer les services concernés du fait que l’avocate collaboratrice libérale est en congé maternité.
➤ Étape 4 : les démarches auprès de la CPAM
La CPAM a élaboré le carnet de maternité des femmes chefs d’entreprise, qui contient quelques explications sur le congé maternité des professionnelles libérales ainsi que de nombreux feuillets.
Ces feuillets sont à remplir au fur et à mesure des étapes de la grossesse. Aussi, c’est le médecin ou la sage-femme en charge du suivi de la grossesse qui doit systématiquement les remplir.
Il est donc conseillé de se rendre à ses rendez-vous médicaux accompagnés du ou des feuillets dont l’avocate collaboratrice libérale a besoin. Par exemple :
- le feuillet n°1 est destiné à informer l’Assurance Maladie de ses dates de congé maternité ;
- le feuillet n°2 doit être rempli en cas de modification de la date de début ou de fin du congé maternité ;
- le feuillet n°3 est à remplir en cas de congé pathologique.
Ces feuillets doivent ensuite être transmis à la CPAM par courrier. Il n’est pas possible de les envoyer par voie dématérialisée.
Recommandation : il est utile de garder une copie de ces envois en cas de contentieux ultérieur.
➤ Étape 5 : les démarches auprès de la prévoyance collective du Barreau
Conformément aux informations reçues de la part de l’Ordre, l’avocate collaboratrice libérale doit informer l’organisme de prévoyance collective du Barreau de ses dates de congé maternité pour obtenir le versement des prestations.
Cette demande doit être accompagnée de divers justificatifs, en particulier : RIB, attestation de cessation d’activité, document du médecin attestant de la date du terme.
➤ Étape 6 : les démarches après la naissance de l’enfant
Il faut informer divers organismes de la naissance de l’enfant :
- l’Assurance Maladie, pour ajout sur la carte vitale des parents
- la mutuelle, le cas échéant
- la CAF
- les impôts
- l’organisme de prévoyance collective du Barreau
- et la CNBF pour bénéficier d’une exonération de 25% des cotisations forfaitaires de base (cette demande peut être faite en ligne sur son espace personnel).
➤ Étape 7 : le reversement des prestations maternité au cabinet
L’avocate collaboratrice libérale doit reverser au cabinet les indemnités journalières de la CPAM et les prestations maternité de l’organisme de prévoyance collective du Barreau.
>> Difficultés et règlement des litiges
➤ Difficultés avec le cabinet
Les difficultés rencontrées avec le cabinet impliquent nécessairement d’informer l’Ordre des avocats.
Les portes d’entrée peuvent être une ligne d’écoute pour les collaborateurs, le référent collaboration/maternité de l’Ordre des avocats, la commission collaboration, ou le Bâtonnier.
Dans tous les cas, il ne faut pas rester seule, mais se faire accompagner.
Si l’avocate collaboratrice libérale s’estime victime de pratiques discriminatoires, elle peut saisir le Défenseur des droits ou l’un de ses délégués en région. Il s’agit d’une démarche gratuite et confidentielle.
Dans l’hypothèse où une juridiction est déjà saisie, le Défenseur des droits peut formuler un avis pouvant être produit dans le cadre de l’instance.
➤ Difficultés avec la CPAM
Des difficultés peuvent survenir à l’occasion du versement des prestations maternité de la CPAM – qu’il s’agisse d’une question relative à l’affiliation, au montant des prestations ou à la date de versement des prestations.
Il est possible de contacter le service social de l’Ordre des avocats pour solliciter une aide dans le traitement des difficultés.
En cas de désaccord, l’avocate collaboratrice libérale doit écrire à la CPAM par courrier recommandé avec accusé de réception.
L’absence de réponse dans un délai de deux mois équivaut à une décision implicite de rejet.
A partir de là, toute action contentieuse à l’encontre de la CPAM est soumise à l’obligation de former un recours préalable obligatoire contre la décision défavorable.
Les avocates collaboratrices libérales disposent d’un nouveau délai de deux mois pour former un recours auprès de la commission de recours amiable de la CPAM.
La commission de recours amiable de la CPAM a deux mois pour se prononcer. L’absence de réponse dans un délai de deux mois équivaut à une nouvelle décision implicite de rejet.
Un nouveau délai de deux mois court pour saisir le Pôle social du Tribunal judiciaire compétent.
Il est également possible de saisir le médiateur de la CPAM d’affiliation. Toutefois, cette saisine n’interrompt pas le délai de prescription et n’est plus possible dès lors qu’une juridiction a été saisie.
La saisine du Défenseur des droits est tout à fait possible dans le cadre d’un litige contre la CPAM.
Que retenir ?
Quel heureux évènement de vivre une grossesse ! Mais il est parfois compliqué de se repérer parmi l’ensemble des démarches administratives à réaliser en tant qu’avocate collaboratrice libérale.
En effet, la grossesse et le congé maternité de l’avocate libérale exigent de remplir un certain nombre de formalités. Et ce, auprès de divers organismes (organismes professionnels et sociaux).
Voici les 7 étapes à suivre pour vivre votre maternité en toute sérénité :
Etape 1 => déclaration de grossesse auprès de l’Assurance maladie et de la CAF (formalité dont le médecin se charge seul, sauf exception)
Etape 2 => information du cabinet
Etape 3 => démarches auprès de l’Ordre des avocats
Etape 4 => démarches auprès de la CPAM
Etape 5 => démarches auprès de la prévoyance collective du Barreau (LPA ou AON)
Etape 6 => démarches après la naissance de l’enfant
Etape 7 => reversement des prestations maternité au cabinet
Il est préconisé d’anticiper ces formalités pour limiter au maximum les difficultés.
Et si un conflit naît à l’occasion de la grossesse et/ou du congé maternité, faites-vous accompagner par les bonnes personnes !
Des possibilités de soutien et de contestation existent : instances de l’Ordre des avocats, médiateur ou encore Défenseur des droits.
Point de vigilance : tout contentieux judiciaire à l’encontre de la CPAM est soumis à un recours préalable obligatoire.
Références
► Premiers résultats de l’enquête collaboration du Conseil national des Barreaux
► Règlement Intérieur National de la profession d’avocat
► Carnet de maternité des femmes chefs d’entreprise de l’Assurance Maladie
► Code de la sécurité sociale : Dispositions applicables aux travailleurs indépendants
► Le site du Défenseur des droits et sa page permettant de localiser un délégué en région
► Enquête du Défenseur des droits de mai 2018 : Conditions de travail et expériences des discriminations dans la profession d’avocat.e en France
► Pour saisir le pôle social du Tribunal judiciaire compétent : formulaire 15980*03 et notice en ligne