Justice climatique : tout savoir sur les contentieux climat

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Le 18 décembre 2018, quatre organisations d’intérêt général ont introduit un recours climat contre l’Etat français pour inaction face aux changements climatiques.

L’objectif est de faire reconnaître par le juge l’obligation de l’État d’agir pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C, afin de protéger les Français.es face aux risques induits par les changements climatiques.

Cette action en justice climatique s’inscrit dans un large mouvement international, qui vise à utiliser le système judiciaire pour contraindre les États à prendre les mesures pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Découvrez les contentieux climatiques, en France et dans le monde !

>> L’urgence climatique : un constat scientifique planétaire

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC en français, IPPC en anglais, pour « Intergovernmental Panel on Climate Change ») a rédigé plusieurs rapports sur le changement climatique.

Le 8 octobre 2018, le GIEC a rendu son dernier rapport sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C.

Ce rapport dresse un état des lieux alarmant sur les impacts du changement climatique sur l’environnement et la santé humaine et souligne le degré de dangerosité significativement supérieur de ces impacts si le changement climatique n’est pas contenu en-deçà de 1.5°C

L’Accord de Paris, signé en 2015, « vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques », notamment en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C.

Pourtant, peu d’actions sont réalisées par les États pour lutter efficacement contre le changement climatique.

C’est pourquoi, dans le monde, citoyens et associations attaquent les États – et aussi les entreprises multinationales – pour inaction climatique.

>> Justice climatique en France

Les 2 recours climat de la mairie de Grande-Synthe

Le 19 novembre 2018, le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême, a engagé un recours gracieux auprès du ministre de la transition écologique, du premier ministre et du président de la République pour « inaction en matière de lutte contre le changement climatique ».

En février 2019, la ville de Grande-Synthe a contesté le second Plan national d’adaptation au changement climatique par un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.

Ce recours en annulation met en cause l’extrême faiblesse de ce Plan national d’adaptation au changement climatique, qui ne comporte aucune mesure chiffrée, ni aucun moyen juridique et financier de nature à permettre réellement une adaptation de la population aux changements considérables liés au changement climatique.

L’affaire du siècle, le recours climat introduit par 4 ONG

Le 18 décembre 2018, quatre organisations de protection de l’environnement et de solidarité internationale ont engagé un recours gracieux contre l’Etat pour inaction climatique.

Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France ont introduit cette action juridique, qu’ils ont nommé « l’Affaire du Siècle ».

L’Affaire du siècle, c’est démontrer l’inaction de l’Etat depuis des décennies face au changement climatique et demander une réparation des préjudices causés par cette inaction.

Cette action juridique a été accompagnée d’une campagne médiatique importante, incluant une vidéo et une pétition signée par plus de 2 millions de personnes.

Suite au rejet du recours gracieux par le gouvernement le 15 février 2019, un recours a été déposé devant le Tribunal administratif le 14 mars 2019.

Si vous souhaitez savoir plus sur ce sujet, contactez un avocat droit de l’environnement ! 

Climat Affaire du siècle

>> Justice climatique dans le monde 

Pays-Bas : recours climat de l’ONG Urgenda

Par décision du 24 juin 2015, confirmée le 9 décembre 2018 par la cour d’appel de La Hague, le juge néerlandais a enjoint les Pays-Bas de réduire les émissions de GES de 25% (par rapport à 1990) pour répondre à son obligation de protection de l’environnement et de lutte contre le danger imminent résultant du changement climatique.

Sur le fondement d’un devoir de diligence et, plus précisément, sur le fondement de la Constitution néerlandaise et de la Convention européenne des droits de l’homme, le tribunal néerlandais a ainsi rappelé que l’obligation de réduction des émissions des GES s’applique conjointement à tous les États, lesquels sont responsables de la lutte contre le réchauffement climatique.

Pakistan : recours climat d’Ashag Leghari, fils de paysan

Fils de paysan, Ashag Leghari a attaqué l’Etat pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique.

En effet,  le pays n’avait pas encore appliqué les textes – signés dès 2012 – relatifs à la politique nationale pour la lutte contre le changement climatique. Les récoltes agricoles s’amenuisaient sans qu’aucune mesure ne soit adoptée.

Ashag Leghari a soutenu que le changement climatique mettait en péril la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau, et a demandé aux juges de défendre le droit à la vie et à la dignité humaine, inscrits dans la Constitution Pakistanaise.

Le 4 septembre 2015, la Haute Cour de justice de Lahore a ordonné la création d’un « conseil climatique » pour contraindre l’Etat Pakistanais à tenir ses engagements dans ce domaine.

Colombie : la forêt amazonienne est sujet de droit

Les requérants, un groupe de 25 enfants, accompagnés par l’ONG colombienne Dejusticia, ont attaqué l’Etat au motif que celui-ci ne garantit pas leurs droits fondamentaux à la vie et à l’environnement.

Le 5 avril 2018, la Cour suprême de Colombie a ordonné au gouvernement de mettre fin à la déforestation et a enjoint les provinces et les municipalités à élaborer un plan d’action dans les cinq mois à venir pour protéger la forêt.

Malgré les engagements internationaux de la Colombie pour réduire la destruction des forêts, les statistiques les plus récentes montrent que la déforestation a augmenté de 44% entre 2015 et 2016.

En sus de déclarer l’Amazonie comme sujet de droit, la Cour suprême a exigé du gouvernement l’élaboration d’un « plan intergénérationnel en faveur de la vie de l’Amazonie colombienne » avec une large participation sociale (plaignants, scientifiques et membres des communautés amazoniennes) pour prévenir la déforestation et réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

Philippines : investigation de 47 entreprises accusées de participer au dérèglement climatique

Le 22 septembre 2015, Greenpeace Asie du Sud-Est et Philippine Rural Reconstruction Movement, aux côtés de personnes physiques survivantes à des typhons ou des cyclones, ont déposé un recours à la Commission des droits de l’homme des Philippines pour :

➡️ demander aux autorités philippines une investigation sur la responsabilité des entreprises liées aux énergies fossiles (47 multinationales, telles que Shell, ExxonMobil, Chevron…) pour leur contribution significative aux changements climatiques en ne réduisant pas les émissions de gaz à effet de serre alors qu’elles en ont la capacité.

➡️  demander que ces 47 entreprises aient l’obligation de soumettre leurs plans pour éliminer, remédier et prévenir les effets dévastateurs du réchauffement climatique dans ce pays particulièrement vulnérable aux dérèglements climatiques.

➡️ demander au gouvernement philippin de prendre également des mesures appropriées en vue de réduire ces effets, c’est-à-dire d’adopter une législation qui imposerait des obligations à ces entreprises en matière environnementale et qui permettrait aux victimes d’obtenir réparation devant la justice.

Le but principal est d’obtenir que les 47 entreprises cessent leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le 8 décembre 2016, la Commission des droits de l’homme des Philippines a décidé d’ouvrir des investigations contre les entreprises accusées de participer au dérèglement climatique. L’enquête de cette institution indépendante sera vraisemblablement pour 2019.

Belgique : recours climat par des citoyens et l’association Klimaatzaak

Le 1er décembre 2014, l’ASBL-L’Affaire Climat (Klimaatzaak) a envoyé une mise en demeure aux quatre autorités belges (la Région flamande, la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et l’Etat fédéral).

L’Affaire Climat (Klimaatzaak) a demandé aux autorités de respecter leurs engagements – à savoir la réduction, d’ici 2020, de 40% des émissions de gaz à effet de serre en Belgique par rapport à celles émises en 1990.

La Cour de Cassation belge a définitivement réglé les problématiques procédurales (notamment concernant la langue de procédure)  en avril 2018.

Le débat sur le fond a enfin commencé. La plaidoirie orale n’interviendra qu’en fin de parcours, soit au second semestre 2020.

D’autres contentieux climatiques sont en cours dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis et en Australie.

Que retenir ?

L’action en justice, introduite par Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France s’inscrit dans un mouvement mondial : la « justice climatique ».

Confrontés à l’inaction des pouvoirs publics en matière de lutte contre le changement climatique, les tribunaux constituent une voie d’action pour contraindre les gouvernements à agir.

Inspirés par la condamnation des Pays-Bas dans le cadre de l’affaire Urgenda, les citoyens et ONG du monde entier attaquent leurs Etats pour les contraindre à agir efficacement contre le dérèglement climatique

En France, l’affaire du siècle a obtenu un soutien citoyen inédit, puisque la pétition de l’affaire du siècle a reçu plus de 2 millions de signatures.

Références

► Pétition de l’Affaire du siècle

► Vidéo de l’Affaire du siècle

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