
La biodiversité décline à une vitesse alarmante. Les scientifiques avancent que nous serions en train de vivre la sixième extinction des espèces.
« L’érosion de la biodiversité » est une expression qui recouvre la destruction des habitats des animaux. Par exemple, via la déforestation pour planter des monocultures.
Dans ce contexte, la création d’outils juridiques visant à lutter contre la perte de biodiversité s’avère nécessaire.
L’obligation réelle environnementale (ou « ORE environnement ») est un contrat qui a pour objet de favoriser la restauration de la biodiversité.
Ce format contractuel confère une certaine flexibilité dans la détermination des mesures de protection de la biodiversité.
>> Quelle est l’origine du contrat ORE ?
Ce contrat est issu de l’article 72 de la loi pour la reconquête de la biodiversité de 2016.
Cet article résulte des travaux de la commission « Trame verte et bleue » du Grenelle de l’environnement, publiés en 2010.
Cette commission a constaté qu’en matière de protection de la biodiversité, les outils existants étaient essentiellement contraignants et parfois inadaptés aux réalités du terrain.
Elle a conclu qu’il convenait de créer un outil contractuel. Contrairement à ce que le terme « obligation » pourrait laisser penser, il s’agit bien d’un outil fondé sur le volontariat. Il ne s’agit pas d’une obligation légale ou réglementaire.
>> L’obligation réelle environnementale, quid ?
L’ORE est un contrat conclu entre le propriétaire d’un bien immobilier et une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privée agissant pour la protection de l’environnement, par exemple une association.
Ce contrat a pour objet de créer des obligations à la charge des cocontractants. Ces obligations ont pour finalité « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ».
Le contrat est attaché au bien lui-même, non au propriétaire du terrain. Ainsi, les obligations sont transmises avec le bien (vente, donation, héritage etc.).
>> Quel est le contenu du contrat ORE environnement ?
Le contrat doit contenir a minima les informations suivantes :
↪ La durée des obligations, sous réserve d’une durée légale maximale de 99 ans ;
↪ La teneur des engagements réciproques (obligations de faire ou de ne pas faire, rémunération, travaux à la charge de la collectivité publique, partage d’expertise etc.) ;
↪ Les possibilités de révision et de résiliation du contrat, afin notamment de pouvoir l’adapter à l’évolution effective, compte tenu notamment de sa longue durée potentielle.
Il est également recommandé de prévoir dans le contrat les modalités de suivi par l’organisme garant (association, établissement public ou collectivité) pour que les obligations soient bien respectées dans le temps (notamment en cas de changement de propriétaire).
>> Comment formaliser ce contrat ?
Le contrat est établi en la forme authentique, ce qui signifie qu’il doit être signé par un officier public, généralement un notaire.
Cela confère trois avantages par rapport à un acte sous seing privé : date certaine, force probante et force exécutoire. Force exécutoire signifie qu’en cas d’inexécution des obligations par une partie, l’autre partie n’a pas besoin d’obtenir un jugement pour faire exécuter le contrat.
Le contrat doit également être enregistré par le service de publicité foncière, afin d’assurer sa validité et sa transmission.
>> Qui peut conclure un contrat ORE ?
Le contrat ORE est toujours conclu par le propriétaire du bien valorisable (personne privée ou personne publique), avec soit :
➡ Une collectivité publique : collectivité territoriale, État,…
➡ Un établissement public : intercommunalité, Conservatoire National du Littoral et des Rivages Lacustres, Parc Naturel,…
➡ Une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement : association de protection de l’environnement par exemple.

>> Pourquoi conclure un contrat ORE ?
Voici les trois situations principales qui motivent à conclure un contrat ORE :
1 ➡ La volonté du propriétaire de préserver la biodiversité de son bien : la majorité des contrats sont conclus volontairement par des propriétaires qui souhaitent protéger les habitats et espèces qui se trouvent sur leur bien immobilier.
Le propriétaire peut être un particulier, mais il peut aussi s’agir d’une association, d’une collectivité territoriale,…
L’objectif est d’assurer la continuité de la protection du site dans une perspective intergénérationnelle.
Il n’est pas nécessaire que le site à protéger soit particulièrement remarquable : la plupart des ORE conclues jusqu’à aujourd’hui l’ont été sur des sites ordinaires ou agricoles.
Par exemple :
> un particulier souhaitant protéger son terrain menacé par l’urbanisation
> une collectivité territoriale confiant la gestion d’une mare ou d’une zone humide à une association de protection de la nature
2 ➡ Dans le cadre de la compensation de certains projets : pour la compensation des impacts négatifs d’un projet, un propriétaire peut conclure une ORE avec le gestionnaire d’un site naturel de compensation (personne privée ou publique).
Précision : c’est bien le propriétaire du terrain qui est partie au contrat ORE et non le maître d’ouvrage.
3 ➡ Dans le cadre de la préservation de la ressource en eau potable par une collectivité : lorsqu’elle devient propriétaire d’un terrain en faisant usage de son droit de préemption pour protéger la ressource en eau potable, une collectivité ne peut revendre le terrain. La seule hypothèse de revente, c’est si la collectivité conclut un contrat ORE, qui imposera au prochain propriétaire de protéger la ressource en eau potable (article L. 218-13 du code de l’urbanisme).
>> Qui peut rédiger un contrat ORE environnement ?
Afin de mesurer les enjeux du contrat et d’anticiper les problématiques de responsabilité, il est recommandé de faire appel à un avocat en droit de l’environnement.
Si vous voulez préserver des zones humides, des espaces de repos pour les oiseaux migrateurs ou un écosystème agroforestier, vous pouvez sérieusement envisager de conclure un contrat ORE.
>> 2 points de vigilance avant toute signature :
➡ Le texte précise d’une part que le propriétaire devra obtenir l’accord préalable du preneur d’un bail rural, sous peine de nullité absolue du contrat. Pour des questions de preuve, il est préférable d’avoir un accord écrit.
Le contrat ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers. Cela signifie que le contenu du contrat ne devra pas être incompatible ou contradictoire avec les droits dont disposent les tiers.
➡ Il est indiqué d’autre part que l’ORE « ne peut en aucune manière remettre en cause ni les droits liés à l’exercice de la chasse, ni ceux relatifs aux réserves cynégétiques », c’est-à-dire les réserves pour la gestion et la régulation de la faune sauvage par l’homme.
>> Un mécanisme contractuel en plein essor
Entre 2016 et 2021, les parlementaires chargés d’évaluer le dispositif ont compté 18 contrats ORE conclus, protégeant environ 300 ha sur tout le territoire français.
La dynamique s’est fortement accrue depuis 2019 : au moins 200 ORE à vocation patrimoniale ont depuis été conclues.
Ce recensement est loin d’être exhaustif à cause de l’absence de centralisation des informations.
Au-delà des ORE patrimoniales, ce mécanisme est également de plus en plus utilisé dans le cadre de la compensation en matière de biodiversité.
>> Des mesures fiscales incitatives
L’ORE donne droit à un certain nombre d’avantages fiscaux, visant à favoriser l’adoption du dispositif.
↪ Exonération de droits d’enregistrement (articles 662 et 663 du code général des impôts):
• Exonération de droits d’enregistrements et de taxe de publicité foncière
• Exonération de contribution de sécurité immobilière
↪ Potentielle exonération de taxe foncière sur les propriétés non-bâties (article 1394 D du code général des impôts) :
• Possibilité pour les communes d’exonérer les propriétaires de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFNB)
• Même possibilité pour les Établissement Publics de Coopération Intercommunale (ECPI)
Que retenir ?
Tout propriétaire foncier, en particulier de terrain non bâti, peut agir pour mettre en place des mesures permettant d’œuvrer pour la protection de la biodiversité, par conviction et/ou pour valoriser son bien.
Pour ce faire, le propriétaire peut librement contracter avec une personne garante de l’intérêt environnemental (association, collectivité publique ou établissement public).
Outre les engagements réciproques tenant à la protection de la biodiversité, le contrat doit préciser les modalités de contrôle par le garant, les modalités de révision et de résiliation du contrat, ainsi que sa durée.
L’avantage d’un mécanisme contractuel est de permettre une grande liberté dans les mesures choisies pour protéger la biodiversité. Par ailleurs, la conclusion de ce contrat peut donner droit à des avantages fiscaux.

Références
► Article créant l’obligation réelle environnementale, issu de l’article 72 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : article L. 132-3 du code de l’environnement
► Article exonérant le contrat ORE aux frais de service de publicité foncière : articles 662 et 663 du code général des impôts
► Article autorisant les collectivités territoriales et EPCI à exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFNB) les propriétaires ayant conclu une ORE : article 1394 D du code général des impôts
► Article imposant la conclusion d’une ORE en cas de cession après usage du droit de préemption en matière d’eau potable par une collectivité territoriale ou un EPCI : Article L. 218-13 du code de l’urbanisme
► Rapport sur la mise en œuvre du mécanisme d’obligations réelles environnementales et sur les moyens d’en renforcer l’attractivité du 15 janvier 2021 (incluant des exemples de contrats en annexe)
► Guide du CEREMA sur l’ORE, incluant des fiches de synthèse et des informations sur le contenu de ce contrat, août 2024
► Vidéos explicatives de la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels


