La forêt primaire de Białowieża, située en Pologne, est vieille de plusieurs millénaires et d’une superficie de 141 885 hectares.
Sur la frontière entre la Pologne et la Bélarusse, il s’agit d’un vaste massif de forêt ancienne comprenant à la fois des conifères et des feuillus.
Situé sur la ligne de partage des eaux entre la mer Baltique et la mer Noire, ce bien transfrontalier apparaît comme une région irremplaçable pour la conservation de la biodiversité.
On y trouve la plus grande population de bisons d’Europe, l’espèce emblématique du site.
>> Forêt primaire en Pologne : UNESCO et Natura 2000
La forêt primaire de Białowieża a une importance exceptionnelle pour la conservation, de par l’échelle de ses anciennes forêts qui comprennent de vastes zones non perturbées où les processus naturels sont en cours.
Le site est riche en bois mort, sur pied et tombé, et l’on y trouve donc une diversité élevée de champignons et d’invertébrés.
Le bien protège une faune diverse et riche dont 59 espèces de mammifères, plus de 250 espèces d’oiseaux, 13 amphibiens, 7 reptiles et plus de 12 000 espèces d’invertébrés.
L’emblème du site est le bison d’Europe : environ 900 spécimens vivent dans l’ensemble du bien, soit près de 25% de la population mondiale totale.
Cette forêt exceptionnelle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco et classée Natura 2000.
Selon la Commission européenne, cette forêt est l’une des forêts naturelles les mieux conservées d’Europe.
>> Menace envers la dernière forêt primaire européenne
En 2016, le ministre polonais de l’environnement a autorisé des coupes massives d’arbres centenaires au sein de la forêt primaire de Białowieża, officiellement pour des raisons sanitaires (insectes xylophages).
Cela devait permettre de tripler l’exploitation du bois, ainsi que des opérations de gestion forestière active (coupes sanitaires, opérations de reboisement, coupes de rajeunissement, etc.) ; alors que toute intervention était auparavant interdite dans ces zones.
Entre le 1er janvier et le 20 novembre 2017, les gardes forestiers polonais ont abattu 200 000 m3 de bois.
>> Pourquoi la Pologne a comparu devant la justice européenne ?
La Commission européenne a estimé que les autorités polonaises avaient omis de s’assurer que ces opérations de gestion forestière ne porteraient pas atteinte à l’intégrité du site Natura 2000.
Le 20 juillet 2017, la Commission européenne a introduit un référé auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de demander :
➡️ La cessation des opérations de coupe d’arbres centenaires
➡️ La cessation de l’enlèvement d’épicéas centenaires morts et l’abattage d’arbres dans le cadre de l’augmentation du volume de bois exploitable sur le site Natura 2000.
>> Protection de la forêt primaire en Pologne au nom du principe de précaution
A la suite d’une première ordonnance de référé du 27 juillet 2017, la Cour a fait droit à la demande de la Commission par une seconde ordonnance de référé du 20 novembre 2017, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond.
Se fondant sur le principe de précaution, la Cour a ordonné la suspension immédiate des opérations d’abattage en cours dans la forêt de Bialowieza.
Par cet arrêt du 17 avril 2018, la Cour de justice rappelle qu’il convient d’évaluer les mesures de gestion d’un site naturel (en l’occurrence, la coupe massive d’arbres) au regard des caractéristiques et conditions environnementales spécifiques à ce site (en l’occurence, un site Natura 2000 classé d’importance communautaire (SIC) au titre de la Directive « Habitats » et Zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la Directive « Oiseaux »).
De surcroît, la Cour a prononcé une astreinte d’au moins 100 000 euros par jour en cas de violation des mesures provisoires prévues par l’ordonnance.
>> Condamnation de la Pologne pour manquement aux directives Habitat et Oiseaux
Par une décision au fond du 17 avril 2018, la Cour a condamné la République de Pologne pour manquement à la Directive “Habitats” et à la Directive “Oiseaux” .
En effet, la forêt primaire millénaire de Białowieża accueille de nombreuses espèces de faune et de flore sauvages, et les opérations d’abattage massif d’arbres étaient susceptibles d’aboutir à la disparition de ces habitats et espèces protégées.
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Que retenir ?
Par un arrêt du 17 avril 2018, la Cour de justice rappelle qu’il convient d’évaluer les mesures de gestion d’un site naturel au regard des caractéristiques et conditions environnementales spécifiques à ce site.
Cette appréciation doit être réalisée à l’aune du principe de précaution.
La Cour a condamné la Pologne pour manquement, car il était avéré que les arbres coupés constituaient des habitats pour plusieurs espèces d’oiseaux protégés.
Le fait que ces arbres soient atteints par des insectes xylophages n’est pas une raison suffisante pour les abattre, puisqu’ils constituent l’habitat de plusieurs espèces protégées par les directives Oiseaux et Habitat
Références
► Ordonnance de référé, CJUE, 20 juillet 2017, Commission c/ Pologne, affaire C‑441/17 R
► Décision au fond, CJUE, 17 avril 2018, Commission c/ Pologne, affaire C-441/17