L’interdépendance entre l’être humain et les écosystèmes se traduit par le concept « Une Seule Santé » ou « One Health » : la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes sont interdépendantes et intimement liées.
Le 28 juillet 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu un nouveau droit humain universel : l’accès à un environnement propre, sain et durable.
L’ONU est partie du constat que l’humanité fait face à trois crises : le réchauffement climatique, les pollutions et la perte de la biodiversité
Toutes ces crises affectent la santé humaine.
En France, le Conseil d’État a reconnu en septembre 2022 que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé était une liberté fondamentale.
Pourtant, la prise en compte de la santé environnementale dans la réglementation et dans les décisions de justice est difficile.
De nombreuses victimes de pollutions font face à des mécanismes judiciaires qui les défavorisent : difficulté à établir le lien de causalité, coût exorbitant de l’expertise à la charge de la victime, rareté des sachants en matière de santé environnementale, frilosité sur les montants de réparation attribués…
Le livre blanc « État des lieux et pistes d’évolution du contentieux de la santé environnementale » a été élaboré conjointement par Kaizen Avocat, Notre Affaire à Tous – Lyon et le Réseau Environnement Santé.
Il vise à faire part de leurs expériences croisées et de leurs analyses dans ce domaine pour que les professionnels du droit et de la santé environnementale puissent se saisir plus facilement de cette question majeure dans leur travail.
Le livre blanc présente, notamment, les préjudices actuellement susceptibles d’être réparés en matière de santé environnementale, ainsi que des pistes d’évolution identifiées.
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État des lieux et pistes d’évolution du contentieux de la santé environnementale
➤ Aujourd’hui, quels sont les principaux préjudices réparables en matière de santé environnementale ?
Les juridictions européennes et françaises ont rendu plusieurs décisions en faveur des victimes de pollution, qu’elles aient ou non déjà subi les effets de l’exposition à la pollution sur leur santé.
Plusieurs préjudices peuvent être réparés.
➡ 1/ Le préjudice d’anxiété
Il s’agit du préjudice causé par l’exposition à une ou des substances dangereuses et par l’angoisse générée par cette exposition, alors qu’une maladie peut se déclarer au cours de la vie de la victime.
Le préjudice d’anxiété a d’abord été reconnu dans le cadre de la relation employeur / salarié, plus particulièrement dans les cas de salariés exposés à l’amiante.
Aujourd’hui, la réparation du préjudice d’anxiété n’est plus cantonnée aux cas d’exposition à l’amiante.
Désormais, le préjudice d’anxiété peut être réparé dans tous les cas d’exposition à une substance nocive ou toxique.
Des décisions récentes ont admis la réparation du préjudice d’anxiété en dehors de la relation de travail. Toute personne exposée à une substance nocive ou dangereuse, quelle que soit la situation à l’origine de l’exposition, pourrait demander la réparation de son préjudice d’anxiété.
Il faut que la victime apporte la preuve de l’exposition à une substance nocive ou toxique et la preuve de l’anxiété personnellement subie.
➡ 2/ Le préjudice d’angoisse
Le préjudice d’angoisse a notamment été reconnu dans deux types d’exposition à des risques sanitaires.
- Antennes-relais
Des personnes résidant à proximité d’antennes-relais ont été reconnues comme exposées à des risques sanitaires potentiels et donc ressentant une angoisse légitime liée à la présence de ces installations.
- Médiator
Des personnes s’étant vu prescrire du Médiator ont pu solliciter la réparation de leur préjudice d’angoisse, caractérisé par la connaissance du risque de développer une pathologie suite à la prise de ce médicament.
Tout comme pour le préjudice d’anxiété, la victime doit s’appuyer sur des certificats médicaux pour rapporter la preuve de l’angoisse subie.
➡ 3/ Le préjudice de jouissance
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile.
A plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l’homme (la CEDH) a admis le préjudice de jouissance subi par des personnes résidant à proximité d’installations industrielles pouvant être nocives pour la santé humaine.
La CEDH a considéré que les atteintes graves à l’environnement pouvaient affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile, de manière à nuire à la vie privée et familiale.
La caractérisation du préjudice de jouissance est compliquée à établir : il faut le plus souvent faire intervenir un bureau d’études certifié et un huissier.
➡ 4/ Le préjudice corporel
Les pollutions ou l’exposition à des substances toxiques peuvent être directement à l’origine de maladies. Ce sont les préjudices corporels.
En France, le préjudice corporel causé par l’inhalation d’un pesticide a été reconnu pour la première fois par la Cour de cassation dans le cadre de l’affaire Paul François, agriculteur intoxiqué par l’herbicide qu’il utilisait dans le cadre de son activité (le Lasso).
En ce qui concerne le préjudice corporel, les certificats médicaux ne sont pas toujours considérés comme des preuves suffisantes par les juridictions. L’intervention d’un toxicologue ou d’un épidémiologiste peut être pertinente, mais elle n’est pas toujours aisée pour des raisons de disponibilité et de coût.
➡ 5/ Le préjudice causé par les dépenses de santé actuelles et futures
Dans certains cas, lorsqu’il existe un préjudice corporel, les victimes peuvent demander au juge la réparation des dépenses de santé qu’elles ont déjà à leur charge ou qu’elles auront forcément à leur charge pour le traitement de la maladie.
Il s’agit d’une demande qui est tout à fait légitime et qui peut se fonder sur la nomenclature Dintilhac : c’est un référentiel utilisé par les juridictions pour l’indemnisation des victimes de dommages corporels.
Pour établir ce préjudice particulier, la victime doit nécessairement s’adresser à un médecin intervenant dans le cadre d’une expertise judiciaire ou amiable.
Vous pouvez retrouver toutes les jurisprudences dans le livre blanc.
Malgré les exemples cités ci-dessus, de manière générale, la santé environnementale peine à être véritablement prise en compte par les tribunaux.
Sur ce sujet, vous pouvez également consulter notre article sur la prise en compte de la santé environnementale par le juge.
La rareté des décisions qui admettent la réparation des préjudices causés par l’exposition à des pollutions et le faible montant des réparations accordées, requièrent des évolutions majeures.
➤ Quelles pistes d’évolution pour mieux prendre en compte la santé environnementale ?
Le livre blanc « Etat des lieux et pistes d’évolution du contentieux de la santé environnementale » identifie 7 pistes d’évolution pour avancer vers une réelle prise en compte de la santé environnementale dans la règlementation et dans le contentieux (civil, administratif et pénal) :
#1 : Appliquer les principes de précaution et d’action préventive à l’ensemble des politiques européenne et nationale
#2 : Réduire l’exposition de l’ensemble des citoyens à tous les polluants
#3 : Améliorer la réparation des préjudices subis par les victimes de pollutions et prévoir un suivi médical sur le long-terme
#4 : Octroyer des provisions aux victimes de pollution pour les frais de justice
#5 : Rendre effectif l’accès aux informations de santé environnementale
#6 : Augmenter les moyens des services d’inspection et des magistrats dédiés à la justice environnementale
#7 : Intégrer les toxicologues en qualité d’experts judiciaires
Il est aujourd’hui urgent de :
- favoriser des pratiques plus vertueuses et plus durables au bénéfice de la santé humaine mais également de la santé animale et de la santé des écosystèmes,
- permettre à chaque victime d’obtenir une véritable réparation des préjudices qu’elle subit du fait d’activités ou de substances gravement nocives.
Si vous voulez en savoir plus et agir, vous pouvez aussi vous référer à notre boîte à outils juridiques pour la santé environnementale !
Nous vous invitons à télécharger notre livre blanc “État des lieux et pistes d’évolution du contentieux de la santé environnementale”, élaboré en partenariat avec Notre Affaire à Tous Lyon et le Réseau Environnement Santé.
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